Elysées 2012

S Rozès

Son nom, qui n'avait jusqu'ici pas filtré, ne figure pas dans l'organigramme officiel de campagne. Le politologue Stéphane Rozès est néanmoins l'un des visiteurs du soir, fort régulier quoique très discret, de François Hollande.

"Il ne s'occupe pas du tout du suivi de l'opinion, il ne produit ni sondage, ni enquête 'qualis' [qualitatives]. Il fait partie des gens qui discutent avec lui sur les sujets de fond", assure un proche du candidat socialiste.

L'ancien directeur général de l'institut de sondages CSA, aujourd'hui patron de la société Cap (Conseils analyses et perspectives), qui conseille essentiellement des entreprises, des collectivités ou des Etats tels que Monaco ou des pays africains, confirme : "Je travaille avec François sur la question des fondamentaux du pays. J'échange avec lui sur la symbolique présidentielle."

Avec "trois élections présidentielles pour 17 candidats" au compteur, Stéphane Rozès a de la bouteille, qui a travaillé sur toutes les cases de l'échiquier politique, pour Philippe De Villiers comme pour les communistes. Avant la présidentielle de 2007, il avait d'ailleurs œuvré "confidentiellement" pour François Hollande et Ségolène Royal, ainsi que pour Nicolas Sarkozy, avec ses conseillers de l'époque Emmanuelle Mignon et Laurent Solly.

"UNE CONVERSATION QUE LE CANDIDAT DOIT INSTALLER AVEC LE PAYS"

Serait-il aujourd'hui au député de Corrèze ce que Pierre Giacometti, ex-professionnel de l'opinion devenu consultant pour l'Elysée, est au président de la République ? "J'ai une caractéristique commune avec Giacometti, concède M. Rozès. Contrairement aux communicants à la française, qui s'adressent au pays à partir d'une seule logique de l'offre et ne tiennent aucun compte des études d'opinion, je suis attaché, comme ancien sondeur, à la question : à qui s'adresse-t-on ? Je considère, comme un psychanalyste, que la présidentielle, c'est une conversation que le candidat doit installer avec le pays."

C'est pourquoi l'ex-sondeur, qui avait participé au débat organisé en juin 2009 à Lorient, premier pas de la longue marche de M. Hollande vers la présidentielle, a choisi "François", convaincu que ni Dominique Strauss Kahn, "dont la désinvolture ne correspondait pas à l'imaginaire français", ni Martine Aubry, qui "se mettait sans cesse au milieu d'un dispositif interne au PS dont elle s'est détachée trop tardivement", ne pourraient emporter la primaire.

"IL N'A AUCUN POUVOIR OCCULTE"

Diagnostic de M. Rozès : "François a renoué un lien singulier avec les Français. Son apparence s'est transformée, comme quelqu'un qui se prépare à des épousailles avec le pays. Comme quand Nicolas Sarkozy expliquait qu'il pensait à la présidentielle en se rasant". Mais attention : le discret conseiller "n'a pas autre chose qu'un rôle intellectuel. Il n'a aucun pouvoir occulte. Ce n'est pas le gourou caché", jure un proche de M. Hollande.

L'intéressé en convient volontiers: "François s'entoure de conseils très divers. Il n'est prisonnier de personne. Il écoute les uns et les autres et fait ensuite sa propre équation." Pour preuve, M. Hollande ne prend pas toujours en compte ses avis. Ainsi, lorsque Stéphane Rozès lui a expliqué que "l'accord entre les écologistes et le PS était une mauvaise chose, sur la forme et le fond, car il mettait un écran entre lui et le pays." Le candidat, à l'évidence, ne l'a pas suivi.
David Revault d'Allonnes