Elysées 2012

Arnaud Montebourg se veut un allié offensif de François Hollande

 

Où en est Arnaud Montebourg ? "En plein boulot", assure l'intéressé. Un peu plus d'un mois après sa troisième place à la primaire socialiste, le héraut de la "démondialisation" projette de lancer, "tout début janvier", un "mouvement politique dédié à la défense de nos idées". Le nom n'en est pas encore trouvé, mais ce mouvement sera accompagné d'un "think tank", d'une "école de formation des cadres" et d'une "université itinérante", annonce M. Montebourg.

Ce calendrier n'est-il pas singulier, en plein démarrage de la campagne de François Hollande, pour lancer une entreprise politique ? "Elle sera ne pas concurrente, elle sera complémentaire", explique le député de Saône-et-Loire.

Il n'est pas facile de continuer à exister et à capitaliser, en pleine compétition présidentielle, sur les 17 % des suffrages de la primaire. Aquilino Morelle, qui fut le directeur de campagne de M. Montebourg, précise : "Arnaud envisage son rôle comme un partenaire politique de François. Totalement loyal et engagé, mais attentif et autonome."

Le député avait d'emblée attiré l'attention de M. Hollande, en pleine constitution de son dispositif, sur le cas de plusieurs de ses proches. "Un certain nombre de nos camarades seront dans l'équipe de campagne", croit-on savoir dans l'entourage de M. Montebourg. Pas ce dernier. "Je n'ai pas demandé de rôle particulier", jure le député. "Je serai dans cette campagne le porte-parole des Français qui se sont reconnus dans mes propositions. Mon message est intact", martèle-t-il, précisant qu'il "reste, pour l'instant, en bilatéral avec François (Hollande)".

Sans titre particulier, le député de Saône-et-Loire se verrait volontiers en électron libre, autant qu'en aiguillon de la campagne, sur le flanc gauche. "On dit à François qu'il ne peut pas se priver des 17 % d'électeurs d'Arnaud, explique le chef de cabinet de ce dernier, Christophe Lantoine. On souhaite que François dépasse son propre courant d'idées social-démocrate." Pour le reste, le troisième homme de la primaire entend consolider son implantation sur les parts du marché électoral situées hors du PS, sur des terres jusqu'ici arpentées par Jean-Luc Mélenchon ou Jean-Pierre Chevènement, voire Marine Le Pen.

Heureuse coïncidence : Arnaud Montebourg, qui avait déjà rencontré M. Mélenchon, chef du Front de gauche, dans l'entre-deux-tours de la primaire, a invité à déjeuner, lundi 14 novembre, M. Chevènement, tout frais candidat à la présidentielle, à l'occasion d'un déplacement de ce dernier en Saône-et-Loire. Rendez-vous a été pris dans un restaurant de Chalon. Thierry Mandon, maire de Ris-Orangis, résume : "Arnaud va servir à ramener au candidat de la gauche la France du non dans toute sa diversité et ses contradictions, les couches populaires qu'on a perdues depuis vingt ans." Et ce proche de M. Montebourg de s'enthousiasmer : "François Hollande a le statut de challenger officiel du président, conféré par la victoire à la primaire. La fonction de premier opposant peut désormais être facilement tenue par Arnaud."

Stéphane Le Foll, lieutenant de François Hollande, tempère ces ardeurs. "Avec sa ligne politique et toute la fougue qu'on lui connaît, Arnaud Montebourg sera utile dans cette campagne, dit-il. Mais on ne va pas changer notre ligne. Ce n'est pas la campagne d'Arnaud, mais celle de François."

Diagnostic sévère d'un membre de la direction : "Arnaud a un problème stratégique. Il s'est aperçu que son succès n'avait pas de lendemain et que son espace autour du candidat allait être réduit par Mélenchon et Chevènement à l'extérieur, Aubry et Valls à l'intérieur. Il risque de tomber dans un trou noir politique. Il s'en sort par une provocation." C'est une sortie fracassante sur l'âge des députés, avec liste nominative des 21 socialistes qui auront plus de 68 ans en juin 2012 et interdiction proposée, pour ceux-là, de briguer un nouveau mandat. Cette initiative a valu au député de Saône-et-Loire, une fois de plus, les foudres de Martine Aubry au bureau national.

M. Montebourg persiste et signe. "A l'Assemblée nationale, il y a douze députés de moins de 40 ans et deux de moins de 35 ans. Il y a un problème. On ne peut pas dire que la jeunesse est une priorité et l'empêcher de rentrer au Parlement", argumente-t-il. Ainsi fait-il pression, en cette période d'intenses négociations sur les investitures aux législatives, sur la première secrétaire, mais aussi sur François Hollande, qu'il avait prévenu de son initiative. Thierry Mandon décrypte : "Ceux qui en sont à leur neuvième mandat peuvent peut-être laisser leur place..."

Et, pourquoi pas, à des amis d'Arnaud Montebourg, comme Aquilino Morelle, qui se verrait volontiers dans le fauteuil de Tony Dreyfus, 72 ans, dans la 5e circonscription de Paris ?

Les partisans de M. Montebourg pourraient déjà compter sur une petite dizaine de circonscriptions, loin d'être toutes gagnables. Lui-même a bien l'intention de faire prospérer ses intérêts pour la suite des opérations, quelles qu'elles soient. Ce que confirme un de ses proches : "L'idée est de rassembler les électeurs, d'abord pour cette élection, et peut être pour 2017. Arnaud n'a pas l'intention de quitter la vie politique."


David Revault d'Allonnes