Elysées 2012

Le pouvoir et le PS doivent cogérer le triple A

Au-delà des accusations échangées avec la droite, les socialistes se savent coresponsables du crédit de la France


Ce fut brutal et sans fioriture. Samedi 22 octobre au matin, dans Le Figaro, Claude Guéant lance la charge contre François Hollande. Il " n'a pas la carrure ", accuse le ministre de l'intérieur. " Chaque fois qu'il s'exprime, il propose une dépense nouvelle. Avec Hollande, c'est le concours Lépine de la dépense, des impôts et des déficits ", charge M. Guéant.
L'après-midi, le candidat socialiste, adoubé par ses rivaux de la primaire, expédie le retour à l'envoyeur : " La dette publique ? Plus 700 milliards d'euros. Le déficit de la Sécurité sociale ? Plus 135 milliards d'euros. Le déficit du commerce extérieur ? 75 milliards d'euros. La croissance ? Un peu moins de 1 %. Les prélèvements obligatoires ? Plus 40 milliards d'euros. C'est ce que la droite appelle une valeur sûre ! ", a lancé M. Hollande à l'adresse de Nicolas Sarkozy.

A six mois de l'élection présidentielle, le décor est planté. Ce sera la bataille de la crédibilité. D'autant plus violente que les caisses de l'Etat sont vides et qu'il n'y a rien à promettre. Elle demande cependant un minimum de doigté, car le jeu ne se déroule pas à huis clos. La France est sous étroite surveillance des marchés pour cause de déficits et de dette excessifs. L'agence de notation Moody's s'est donnée trois mois avant de décider si elle maintient ou non la note Aaa, celle qui permet d'emprunter à moindre coût.

Malheur à qui sera tenu pour responsable d'avoir dégradé la signature du pays  en jouant contre lui ! " Comme durant la campagne de 1993, où le franc était attaqué, des mots doivent pouvoir être prononcés qui permettent de conforter la France ", souligne Michel Sapin, ministre des finances à l'époque et qui participe activement à l'élaboration du projet du candidat Hollande. Etrange période où le combat entre la droite et la gauche se double d'un intérêt commun : conserver le triple A.

Avec la crise qui s'aggrave, le projet du candidat ne peut pas être celui que le PS a adopté en mai. Selon M. Sapin, les dépenses annuelles seront très sensiblement inférieures aux 5 milliards d'euros prévus. La masse salariale sera maîtrisée, ce qui signifie que le nombre global de fonctionnaires continuera de diminuer. Les emplois d'avenir seront réservés à certains jeunes, et le contrat de génération fera l'objet d'une négociation  entre les partenaires sociaux.

La droite, cependant, ne faiblit pas dans ses attaques. " Notre objectif, c'est la crédibilité, la responsabilité ", assure Valérie Pécresse, qui reproche aux socialistes de refuser de voter la règle d'or et d'inquiéter les agences de notation par un projet trop dispendieux. Tandis que le gouvernement est obligé, une fois encore, de réviser à la baisse les chiffres de la croissance, la ministre du budget prépare un nouveau plan d'ajustement.
Mais, en dépit des déclarations de plus en plus fermes de François Fillon, assurant que " le laxisme budgétaire est désormais révolu ", rien n'est encore fixé : ni le montant, ni le contenu, ni la date d'entrée en vigueur.  A Bercy, on explique qu'il faut attendre  le sommet européen de mercredi 26 octobre, la réaction des marchés et l'intervention télévisée du président de la République, prévue pour jeudi.

C'est la caractéristique de la période : tout se décide au jour le jour. Et cette incertitude est d'abord une épreuve pour le pouvoir en place, qui semble régulièrement rattrapé par la crise et comme impuissant à l'endiguer. " Il manque un message politique fort ", déplore un ministre, pour qui " on ne créera le rêve qu'en étant extrêmement sérieux ".
Sur ce point, le candidat socialiste est d'accord. Après sa vive attaque contre M. Sarkozy, M. Hollande a pris un luxe de précautions, samedi, pour vanter le " rêve français " à ses amis socialistes. " Je ne serai pas le président qui viendra devant les Français, six mois après son élection, pour leur annoncer qu'il faut changer de cap. Je veux gouverner dans la durée, sur la base de la franchise et de la sincérité ", a-t-il prévenu.
" C'est du mendésisme ", se réjouit Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale. A charge, pour celui-ci, de démontrer, durant la discussion du projet de budget pour 2012 au Parlement, que la gauche est au moins aussi rigoureuse que la droite.

Depuis que la majorité du Sénat a basculé, les groupes socialistes des deux Assemblées tentent de mieux coordonner leurs amendements pour faire émerger une politique alternative consistant à réduire le déficit et l'endettement plus vite que le gouvernement, mais sans taper aveuglément dans les dépenses et en mettant davantage à contribution les riches.

Dit ainsi, cela paraît simple. Dans le détail c'est plus compliqué. Les parlementaires socialistes ont défendu en vain à l'Assemblée - et devraient reprendre au Sénat - un amendement visant à créer une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu, alors même que la réforme fiscale prévue par le PS après les élections de 2012 prévoit de jouer sur l'assiette fiscale plutôt que sur les taux.

" Plus l'échéance approche, plus nous devrons nous assurer que ce que nous proposons est bien conforme à ce que nous ferons ", prévient un élu. La crédibilité est au centre de la bataille.

Françoise Fressoz