Du progrès au pacte social, les pistes pour sortir de la crise de civilisation
Quelle est votre conception de la gauche ?
Edgar Morin : Il s'agit pour moi de revenir à ces trois sources du XIXe siècle, libertaire, socialiste et communiste, qui se sont séparées et combattues dans l'Histoire. L'idée communiste s'est dégradée dans sa version stalinienne et maoïste ; la sociale-démocratie s'est asséchée ; quant au libertarisme, il reste isolé, mis à part au sein d'une frange de la gauche radicale. Aujourd'hui, il faut régénérer ces trois courants et les relier pour oeuvrer à la fois à l'épanouissement des individus, à une société meilleure et à la fraternité. J'ajouterais une quatrième source, plus récente, qui est écologique : notre devenir nécessite un effort pour sauvegarder à la fois la nature et notre propre nature humaine.
François Hollande : Ces trois sources ont en effet connu des remous, parfois des assèchements, mais elles restent vives. La famille socialiste a plus de responsabilités encore qu'au XIXe siècle, parce qu'elle s'est confrontée à l'exercice du pouvoir. Elle s'est renforcée par la volonté d'accomplir sa promesse au sommet de l'Etat, mais aussi au sein des collectivités locales. La gauche doit se donner pour ligne d'horizon l'accomplissement du dessein républicain, mais elle doit aussi réussir une reconquête : faire que la démocratie redevienne plus forte que les marchés, que la politique reprenne le contrôle de la finance et maîtrise la mondialisation.
La gauche doit ouvrir la voie, imaginer des politiques nouvelles. Le progrès est possible, l'avenir peut encore être une source d'accomplissement pour les générations à venir. L'humanité reste en marche. Nous devons être dans l'évocation de notre histoire et dans l'invention de notre futur. C'est dans cette perspective historique que j'inscris mon projet présidentiel : je veux être un continuateur et un rénovateur.
Abolition de la peine de mort et essor des yuppies, prix unique du livre et triomphe de Bernard Tapie, le mitterrandisme a-t-il éclairé ou plombé la gauche ?
E. M. : Le mitterrandisme a été porté par un grand élan d'espérance. Il a engagé de grandes réformes, comme l'abolition de la peine de mort ou les lois Auroux, mais son bilan est ambivalent. Il faut tenir compte de ses faiblesses, de ses échecs et de ses insuffisances. Quel bilan faites-vous, François Hollande, de la gauche au pouvoir ? A partir de 1981, elle a certes accompli des réformes importantes, mais n'a-t-elle pas aussi converti la société française au néolibéralisme, ce qui a favorisé le développement du capitalisme financier que vous dénoncez ?
Le Front populaire, par exemple, a été un moment magnifique, mais ce gouvernement n'a pas eu le courage ou l'énergie d'intervenir en Espagne, ce qui aurait peut-être pu stopper l'essor du nazisme.
F. H. : Ne soyons pas trop sévères envers la gauche des années 1980 : elle a permis de moderniser notre pays, de l'adapter, d'opérer des mutations qui ont vaincu l'inflation et rétabli la croissance. Grâce à elle, la France a tenu son rang. Mais il est vrai que la gauche a ensuite été happée par une construction européenne conçue davantage comme un grand marché que comme un grand projet. Et il est vrai aussi que cette Europe-là a fini par représenter le libéralisme aux yeux des citoyens. La gauche a payé cette erreur, elle a corrigé le tir.
La gauche doit porter de grands espoirs, mais elle ne peut pas se réduire à de grands moments. Sa vocation n'est pas d'intervenir tous les vingt ans pour faire des réformes. Je veux au contraire inscrire la gauche dans la durée. Je ne suis pas candidat pour écarter la droite, introduire quelques innovations politiques et sociales, et ensuite laisser la place. Je veux initier une transformation de la société à long terme qui puisse convaincre au-delà même de la gauche.
Ma responsabilité est d'être le président de la sortie de crise. Cela suppose une transition économique, énergétique, écologique, générationnelle aussi, qui permette à la jeunesse d'accomplir son propre destin. A chaque époque, la gauche doit savoir pourquoi elle combat. C'est pour permettre ce passage d'une société à une autre, d'une époque à une autre. Pour permettre à la France d'entrer dans le XXIe siècle.
La gauche doit-elle renouer avec l'idée de progrès et de croissance ou bien s'en méfier ?
E. M. : Depuis Condorcet, le progrès était conçu comme une loi automatique de l'Histoire. Cette conception est morte. Le progrès a souvent été assimilé à la technique, au développement économique, à la croissance, dans une conception quantitative des réalités humaines. Face à la crise de la croissance, aux nuisances et catastrophes engendrées par le développement techno-scientifique ou aux excès du consumérisme, ne faut-il pas rompre avec le mythe de la croissance à l'infini ?
On ne peut plus envisager le progrès comme un wagon tiré par la locomotive techno-économique. Il s'agit de croire au progrès d'une façon nouvelle, non comme une mécanique inévitable mais comme un effort de la volonté et de la conscience. Mais surtout il faut dépasser l'alternative stérile croissance/ décroissance et promouvoir la croissance de l'économie verte, de l'économie sociale et solidaire...
Et en même temps faire décroître l'économie des produits futiles, aux effets illusoires, mais vantés par la publicité, faire décroître l'économie des produits jetables ou dont l'obsolescence est programmée, supprimer les prédations des intermédiaires comme les supermarchés qui imposent des prix très bas aux producteurs et des prix élevés aux consommateurs.
F. H. : Le progrès n'est plus une idéologie. Mais c'est une idée encore féconde. Je suis un militant du progrès. L'action politique doit permettre à l'humanité d'avancer et à l'individu d'espérer un sort meilleur. Je réfute toutes les idées qui mettent en cause le progrès scientifique, social et écologique. Pour autant, on ne peut plus croire à l'automaticité de la croissance, à une mécanique qui conduirait, par les forces du marché ou au contraire par l'intervention de l'Etat, à une amélioration du pouvoir d'achat ou de la qualité de la vie. Rousseau nous l'a appris : il n'y a pas d'équivalence entre progrès technique et progrès moral, entre progrès économique et progrès humain. Nous devons nous battre pour un progrès humain, solidaire, mondial.
C'est là qu'intervient la distinction entre le marchand et le non-marchand - tout ce qui ne peut pas être réduit à l'échange et à la valorisation. Le rôle de la gauche est de veiller à ce que le marchand soit efficace et compétitif, mais aussi de développer le non-marchand. Quant à l'opposition croissance/ décroissance, je suis pour un niveau plus élevé de croissance, même si nous savons bien que la tendance pour les dix prochaines années est au mieux de retrouver 2 ou 2,5 points de croissance, c'est-à-dire la moitié de ce que nous avons connu pendant les " trente glorieuses " et un tiers de ce que nous avons pu connaître en 1974. D'où l'importance de donner à cette croissance un contenu en emplois, en activité, en richesse, en écologie surtout.
Il y a aussi des secteurs qui doivent décroître parce qu'ils sont source de gaspillage. La technologie peut nous y aider. Lutter contre ce qui nuit à la santé est un facteur de réduction de nos dépenses collectives, donc une recette supplémentaire pour financer d'autres recettes de solidarité. La sobriété n'est pas le contraire de la prospérité. Ce n'est pas une spoliation, mais une liberté que nous devons offrir à chacun.
Faut-il accroître la mondialisation ou bien amorcer une démondialisation ?
E. M. : La concurrence est une chose naturelle mais la compétitivité amène les entreprises à remplacer les travailleurs par des machines, à les opprimer par des contraintes. L'exploitation économique contre laquelle luttaient les syndicats a été supplémentée par une aliénation aux normes de productivité et d'efficacité. Il faudrait donc une politique de l'humanisation de l'économie déshumanisée. Il faut par ailleurs reprendre un contrôle humain, éthique et politique sur la science. S'agissant de la mondialisation, on peut certes se féliciter que des pays que l'on appelait sous-développés enregistrent une amélioration de leur niveau de vie et, en cela, les délocalisations ont pu jouer un rôle utile.
Mais, face à l'excès de la délocalisation et à la désertification de notre industrie, il y a des mesures de protection à prendre. Aussi faut-il à la fois mondialiser et démondialiser, continuer tout ce que la mondialisation apporte de coopération, d'échanges fructueux, de cultures et de destin commun, mais sauver les terroirs, retrouver les agricultures vivrières, sauvegarder les autonomies. Il faut prendre position au-delà de l'alternative mondialisation/ démondialisation.
F. H. : La mondialisation n'est pas une loi de la physique ! C'est une construction politique. Ce que des hommes ont décidé et construit, d'autres hommes peuvent le changer. Le politique doit intervenir pour lutter contre l'économie de casino et la spéculation financière, pour préserver la dignité du travailleur et fonder la concurrence sur des normes environnementales et sociales.
Le travail n'est pas une valeur de droite, mais une valeur citoyenne : le droit au travail est d'ailleurs reconnu dans la Constitution, il garantit un revenu, une place dans la société, une relation à autrui.
La période que nous vivons est celle de l'excès : excès des rémunérations, des profits, de la misère, des inégalités. Le rôle du politique, c'est de lutter contre les excès, les risques, les menaces et de réduire les incertitudes. Nous avons besoin d'humanisation, sinon nous perdrons le sens de ce pour quoi nous produisons, échangeons, commerçons. Nous avons aussi besoin d'unité, de nous retrouver autour de grandes valeurs, mais cette unité ne doit pas écraser la diversité. Il s'agit d'être justes, de faire preuve à la fois de justice et de justesse. Nous devons à la fois inspirer la confiance et donner confiance aux citoyens dans leurs propres capacités.
Edgar Morin, vous suggérez aux candidats d'inscrire dans la Constitution que " la France est une république une, indivisible, mais aussi multiculturelle ". Pour quelles raisons ?
E. M. : La France est une réalité multiculturelle : Basques, Flamands, Alsaciens sont ethniquement hétérogènes ; dans un processus historique de francisation, ils sont devenus français. Dire que la France est une, indivisible et multiculturelle, c'est reconnaître une réalité où l'unité empêche le communautarisme et renforce l'attachement de ceux qui viennent d'ailleurs, mais qui reconnaît la diversité féconde des cultures que nous intégrons. Je ne parle pas seulement des immigrés mais aussi des Antillais, des Réunionais, qui veulent qu'on reconnaisse leur spécificité.
Vous êtes attaché aux symboles. Ainsi pourrait-on inscrire dans notre Constitution que la France est une république laïque, une, indivisible et multiculturelle, ce qui affirmerait une réalité de fait qui doit échapper et à l'homogénéisation qui ignore les diversités (IIIe République) et au communautarisme qui désunit. N'est-ce pas la reconnaissance de l'autre à la fois dans sa différence et sa ressemblance qui fait de plus en plus défaut et qui nous conduit vers la désunion ?
F. H. : La France s'est constituée par des intégrations successives, d'abord de ses provinces puis de ces populations venues enrichir la nation. Néanmoins, le mot de multiculturalisme crée des ambiguïtés et laisserait penser que nous sommes une société où il n'y aurait plus de références communes. Il ne s'agit pas d'effacement ou d'indifférence à l'égard des origines diverses mais de faire en sorte que les Français se reconnaissent dans la République. Je préfère renforcer la laïcité dans la Constitution, parce qu'elle est un grand principe de liberté - tous les citoyens, toutes les religions sont traités de la même manière - et de fraternité - la laïcité nous permet de vivre tous ensemble, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Ne croyez-vous pas que, dans les conditions actuelles d'une crise sans précédent, ce n'est pas une présidence " normale " qu'il nous faudrait, mais une " présidence de salut public ", comme vous y enjoint Edgar Morin ?
F. H. : Qu'ai-je voulu dire par cette formule ? Que je veux être proche de mes concitoyens, retrouver de l'harmonie et de l'apaisement. Mais cette démarche doit être au service d'une grande cause. Il faut lutter contre le fatalisme qui conduit soit à la colère, soit à la résignation. Nous devons nous dépasser collectivement et individuellement. Or, pour y parvenir, nous devons être en confiance. Nous vivons dans l'immédiateté, notre horizon va rarement au-delà de la fin de mois. Le rôle du politique, c'est de remettre une vision longue permettant un dépassement. Le candidat normal doit avoir l'esprit de salut public ! Avoir l'esprit de salut public, c'est se départir de nos intérêts privés et catégoriels, mettre la jeunesse au coeur de nos choix, promouvoir une transition et une élévation spirituelle du pays.
E. M. : La crise que nous vivons n'est pas seulement économique, c'est une crise de civilisation. Un président doit être capable d'indiquer les directions de salut public, pour que la France retrouve son rôle d'éclaireur. On ne peut rétablir confiance et espérance que si l'on indique une voie nouvelle : pas seulement la promesse de sortir de la crise, mais de changer la logique dominante. Par une confluence de réformes multiples, il faut remettre la France en mouvement, faire confiance aux capacités créatrices des citoyens. Je souhaiterais que le candidat réponde à ce que disait Beethoven, dans son dernier quatuor : " Muss es sein ? Es muss sein. " Est-ce possible ? Oui, il faut montrer que c'est possible.
F. H. : Non seulement je dis que cela est possible, non seulement je veux montrer que cela est possible, mais je vais le faire !
Quelle grande politique économique pourrait accompagner cette politique de civilisation ?
E. M. : Une grande politique économique comporterait selon moi la suppression de la toute-puissance de la finance spéculative tout en sauvegardant le caractère concurrentiel du marché ; comme je l'ai dit, le dépassement de l'alternative croissance/décroissance en déterminant ce qui doit croître : une économie plurielle, comportant le développement d'une économie verte, de l'économie sociale et solidaire, du commerce équitable, de l'économie de convivialité, de l'agriculture fermière et biologique, de l'entreprise citoyenne. Mais aussi ce qui doit décroître : l'économie créatrice de besoins artificiels, du futile, du jetable, du nuisible, du gaspillage, du destructeur. Ne faut-il pas envisager une grande politique de la consommation, qui inciterait les consommateurs à s'éclairer sur les produits et mènerait une action éducative sur les intoxications et addictions consuméristes, ce qui, favorisant la qualité des produits, favoriserait la qualité de la vie et la santé des personnes ? Ne faudrait-il pas prohiber les multiples produits soit jetables soit à obsolescence programmée, ce qui favoriserait les artisanats de réparation ? Ne faut-il pas envisager une grande politique de réhumanisation des villes qui veillerait à opérer la déségrégation sociale, à ceinturer les villes-parkings pour y favoriser les transports publics et la piétonisation, et favoriser la réinstallation des commerces de proximité ? Une nouvelle politique de la France rurale ne devrait-elle pas être promue, qui ferait régresser l'agriculture et l'élevage industrialisés devenant nocifs pour les sols, les eaux, les consommateurs, et progresser l'agriculture fermière et bio ? Elle revitaliserait les campagnes en les repeuplant d'une nouvelle paysannerie, en y réimplantant bureaux de poste et dispensaires locaux, et elle inciterait à réinstaller dans les villages boulangeries-épiceries-buvettes. Elle instaurerait l'autonomie vivrière dont nous aurons besoin en cas de grave crise internationale.
F. H. : Il y a dans vos propos de nombreux points qui font écho à ce que je propose dans mon programme. Quand je dis que mon adversaire, c'est la finance, je ne parle pas bien sûr des instruments financiers qui permettent de financer l'économie, d'accueillir l'épargne, de financer l'investissement des entreprises. Je parle de la finance folle et débridée, spéculative, qui s'est autonomisée et déconnectée de l'économie réelle. La finance qui se sert de l'économie au lieu de la servir. Il faut donc reconnecter la finance à l'économie réelle. L'idéologie libérale a été hégémonique. Pourtant, nous en avons vu les limites, les dangers, les échecs. C'est cette idéologie qui est archaïque, dépassée. Une nouvelle voie doit s'imposer. Il est de la responsabilité de la gauche de porter cette nouvelle exigence.
Vous parlez de la question de la consommation. Je vais prendre un exemple : en faisant la transition énergétique, nous construirons la France de l'avenir. Cette transition n'est pas indépendante d'un véritable projet de société. La réduction de la part du nucléaire - et non pas son abandon comme la droite cherche à le faire croire en mentant -, le développement parallèle des énergies renouvelables, la rénovation de l'habitat, toutes ces initiatives doivent nous permettre de bâtir une société de la sobriété et de l'efficacité énergétiques. C'est une nécessité environnementale, mais aussi une chance sociale et industrielle. C'est également un signal fort : nous maîtriserons mieux la consommation, nous réduirons les gaspillages. Vous évoquez une " éducation à la consommation " : consommer mieux pour préserver les ressources terrestres, dont nous savons qu'elles ne sont pas infinies. Je pense que ce modèle marquera l'esprit des citoyens et changera les attitudes et les habitudes de consommation. Il nous faut réformer les esprits et changer les mentalités.
Enfin, je veux ouvrir un nouvel acte de la décentralisation, pour renforcer les pouvoirs et les dynamismes locaux, et pour harmoniser les capacités et l'attractivité de tous les territoires.
Quels sont les penseurs et acteurs politiques qui vous ont le plus inspirés pour vos combats politiques ? Hugo, Marx, Jaurès ? Et pour quelles raisons ?
E. M. : Tous les penseurs qui m'ont conduit à la pensée complexe ont joué un rôle dans la formation de mes idées politiques. Parmi eux je citerais Héraclite, Montaigne, Pascal, Rousseau, Hegel, Marx, von Foerster. Tous les auteurs qui m'ont " allergisé " à l'humiliation, en premier lieu Dostoïevski et le Hugo des Misérables, et tous ceux qui m'ont fait aspirer à l'émancipation des opprimés ont nourri en moi une sensibilité de gauche. Enfin, j'ai incorporé en moi l'appel à changer la vie de Rimbaud et de Breton.
Mes plus proches compagnons en matière politique furent, depuis 1956, Claude Lefort et Cornelius Castoriadis. Je pense que toute pensée politique doit se formuler à partir d'un diagnostic pertinent du moment de l'ère planétaire que nous vivons, y concevoir une voie de salut, et y situer une politique française. Je pense qu'il faut dépasser les insuffisances et carences de l'idée de réforme et de révolution dans la notion de " métamorphose ", qui combine conservation et transformation.
F. H. : L'oeuvre de Marx est encore utile pour comprendre ce qu'est le capitalisme. Mais convenons qu'il a changé de forme et de dimension. Jaurès est une des plus grandes références du socialisme mais aussi de la République. Par son intelligence prodigieuse, par sa culture, par son élévation d'esprit, par sa recherche obstinée de la synthèse. Je sais que la pensée d'Edgar Morin aime faire tenir ensemble des antagonismes et montrer en quoi, loin de s'opposer, ils sont complémentaires. C'en est un bon exemple : dans la vision que je me fais de la politique, la défense de l'idéal et l'action dans le réel vont de pair.
C'est aussi ce que voulait dire Aimé Césaire dans sa magnifique formule : " l'espérance lucide ". Victor Hugo, c'est le tumulte. La force de la colère et la lucidité. Quel sens de la justice ! Le jeune dandy monarchiste et romantique est mort en grand républicain en ayant résisté au despotisme, celui de " Napoléon le Petit ", avec le courage d'affronter l'exil... Je me réfère aussi à Albert Camus, qui nous rappelle que le combat pour l'humanité doit être à chaque instant répété.
Propos recueillis par Nicolas Truong
© Le Monde
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