Elysées 2012

Hollande peaufine la stratégie de l’esquive

Largement attaqué par Sarkozy, le candidat socialiste a choisi de ne pas répondre… ou presque.


Par LAURE BRETTON Libération

«Ne jamais être le méchant», comme il l’a répété tout le week-end de la Corrèze à Paris, c’est le credo de François Hollande. A la tête du Parti socialiste, ce trait de caractère s’est incarné dans la «synthèse» - synonyme d’unité pour les uns, d’immobilisme pour les autres. Pendant la primaire, Hollande a bien pris soin de ne jamais répondre aux attaques allant crescendo de sa rivale Martine Aubry, qui l’avait érigé en héraut de la «gauche molle». Et visiblement, il ne voit pas de raison de ne pas continuer sur le mode de la force tranquille.

Alors que Nicolas Sarkozy a consacré les neuf dixièmes de son discours de Marseille à vilipender la gauche et son candidat à l’Elysée, Hollande a refusé de descendre dans la «cour de récréation».«La violence et l’insulte, c’est un signe de faiblesse. Quand on est président sortant, on doit être fier de ce que l’on a fait, on doit même ignorer ses concurrents. On doit porter une politique», a recommandé le socialiste sur BFM TV, ironisant sur«l’obsession» que le candidat-président faisait sur sa personne.

«Sourire». Accusé par Sarkozy de tenir un double discours sur le monde de la finance - socialiste à Paris, libéral à Londres -, Hollande a confirmé sa position du Bourget : «Je maintiens que la finance est notre adversaire quand elle devient folle.» Quant à l’appel au peuple de Sarkozy, «ça prêterait presque à sourire», selon le socialiste. «De quel peuple s’agit-il ? Du peuple de l’argent ? Alors là, j’en conviens volontiers ! Qui sont ses soutiens ? Les principaux dirigeants des grandes entreprises françaises ? Oui, sûrement ! Les banquiers qui, pour beaucoup, lui doivent leur nomination ? Oui, sûrement !» Vendredi, à Tulle, Hollande s’amusait aussi de la pluie de soutiens internationaux récoltée par Sarkozy, de David Cameron à Angela Merkel en passant par le petit message - «Bonne chance, Nicolas !» - posté sur Twitter par Silvio Berlusconi : «Après ça, difficile de me faire passer pour le candidat du système, hein !»

Pour Bertrand Delanoë, «aucune tactique, aucune stratégie ne peut remplacer le bon sens. [Dire que] Nicolas Sarkozy, c’est le peuple, et François Hollande le Fouquet’s, ça ne marchera pas auprès des Français !»Le maire de Paris estime que le chef de l’Etat a choisi la «stratégie du bruit pour qu’on ne parle pas de son absence de réalisation»pendant le quinquennat.

Plus qu’un lien fort entre le chef de l’Etat et les Français, Bruno Le Roux, porte-parole de Hollande,a vudans le «aidez-moi»final du discours de Sarkozy un«appel désespéré au peuple, qu’il redécouvre parce qu’il y a des élections, après ne pas en avoir tenu compte pendant cinq ans». Sur le fond, attaque Christian Paul, «il y a du populisme dans le Sarkozysme, c’est certain». Mais, plus grave aux yeux du député de la Nièvre, «dans la manière dont Sarkozy veut court-circuiter tous les corps intermédiaires, pulvériser les associations, les syndicats, les partis, il est antidémocratique encore plus que populiste».

«Improvisée». Sous la mitraille de la droite, la stratégie de l’esquive de Hollande est-elle tenable longtemps ? D’autant que, pour nombre de socialistes, Sarkozy a frôlé dimanche le procès en «anti-France» de la gauche, opposant peuple et «petite élite». Christian Paul est formel : «Il ne faut pas répondre à la brutalité de la droite par une violence de gauche.» Hollande, qui juge en privé la campagne de Sarkozy «improvisée», a fixé la feuille de route des socialistes : ramener la droite à son bilan et débusquer les «mensonges» du chef de l’Etat, notamment sur les propositions PS en matière de sécurité et d’immigration. Sur ces thèmes, «la bataille n’est pas entre moi et Nicolas Sarkozy, mais entre Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen» en vue du premier tour, confiait-il samedi. Face au déploiement de la machine de guerre UMP, le candidat socialiste ne varie pas. Des nouvelles propositions ? «Je n’y suis pas favorable.»

Hollande, qui ne cache plus que l’omniprésence des médias lui pèse, le coupant d’un contact direct avec les Français, a inauguré ce week-end les déplacements en «pool», c’est-à-dire couverts par un tout petit nombre de journalistes. Il se rend demain en petit comité à Bonneuil-sur-Marne, en banlieue parisienne, pour parler diversité et jeunesse dans une ville où 30% de la population a moins de 20 ans.

Hier midi, devant la halle du marché d’Aligre, dans le XIIe arrondissement de Paris, où il circule sans caméra, il pose au milieu d’un groupe de jeunes qui veulent une photo avec le «futur président, Incha’Allah». Hollande estime sa stratégie de l’aimable justifiée : «Les meilleurs coups, ce sont ceux qu’on donne en étant là.»