Elysées 2012

Le candidat veut redonner du rythme pour contrer Sarkozy.


Par MATTHIEU ECOIFFIER, LAURE BRETTON

Une campagne électorale c’est aussi une histoire de baraka. Les révélations sur le projet de bombarder Jean-Louis Borloo à la tête de Veolia le jour même où Nicolas Sarkozy accuse François Hollande d’être le candidat d’une «petite élite» voire du «système», sont un vrai cadeau. Et la droitisation du chef de l’Etat renvoie de fait le candidat socialiste à ses fondamentaux de gauche. Il n’empêche. Depuis mercredi dernier et l’entrée en lice officielle du candidat-président, ça flotte un peu dans la campagne Hollande alors que son adversaire prend son essor médiatique. «Il faut réfléchir si on a le bon tempo, les bons mots. On est dans le même moment de flottement qu’en décembre. On cherche la séquence», reconnaît un des chefs des pôles thématiques du candidat. «L’indécision ne pourra pas durer. C’était jouable tant que Sarkozy n’était pas monté sur le ring, explique un député. Le côté prince de l’esquive va finir par se voir. Il n’y a que Dujardin qui peut gagner un oscar sans parler…»

Doser. Selon plusieurs de ses proches, Hollande lui-même a «identifié ce problème» de cadence et de substance. Fin mars, cela fera un an qu’il bat campagne. «Les gens peuvent se dire : "Qu’est-ce qu’il fait, ça fait un an et il n’est pas encore élu ?" analysait le candidat ce week-end sur ses terres de Corrèze. Il faut créer une attente et ne pas être dans un train-train.» Déjà en janvier, il estimait qu’il lui fallait bien doser sa campagne, sur le fond et sur la forme, pour éviter que «mi-février, nous soyons au bout et que les gens soient à bout». Olivier Faure, un de ses stratèges, ne se montre guère inquiet : «Il a vécu plusieurs présidentielles, il en connaît la grammaire et les rythmes.» Un parlementaire se montre tout aussi confiant: «Hollande est au sommet de sa science de la gestion du temps. Dégainer contre Sarkozy c’est trop tôt, c’est un fusil à un coup.» Et puis jouer l’évitement a un autre avantage, selon un membre de l’équipe Hollande : «Le fait qu’on laisse Sarkozy boxer tout seul, ça le rend fou, ça l’hystérise.»«Je le sens attentif à ne pas se laisser bercer par la douce musique des sondages. Mais suffisamment concentré pour ne pas surréagir à chaque événement», ajoute un autre.

Dans ses interventions récentes, Hollande mélange contre-attaque sur la forme, en maniant le plus souvent l’ironie face à son adversaire, et sur le fond. Il en est persuadé, le candidat de l’UMP ne pourra pas rivaliser avec ses «engagements» consignés depuis fin janvier dans un petit livret et qu’il détaille sur le terrain, comme lundi en banlieue, sur le logement social. «Mes 60 propositions sont sur la table : dites-moi qui a fait le même exercice ? Je ne maquille rien de ce que je propose», a-t-il dit sur BFM-TV en allusion au «falsification !» de Sarkozy l’accusant de vouloir régulariser tous les sans-papiers.

Dans l’équipe Hollande, on a repéré un autre angle d’attaque du «président sortant», qui se vend en homme du XXIe siècle pour ringardiser le socialiste. «Attention à l’image de gauche sépia. Il faut aussi parler de progrès, de numérique, de cellules souches. A un moment, il faut dire que le XXIe siècle, c’est nous», alerte un dirigeant. Message reçu cinq sur cinq puisqu’aujourd’hui le candidat passe sa journée dans l’Essonne, à visiter les laboratoires du Genopole et des start-up spécialisées dans les biotechnologies. «Sur le logement, l’emploi et la sécurité, on trouvera difficilement des propositions datées», assure Olivier Faure qui reconnaît cependant qu’il reste du pain sur la planche pour tous les socialistes : «Sur le fond, après, c’est à nous de développer, de mettre en avant, de faire comprendre à chaque catégorie de population en quoi ça s’adresse à eux.» Confirmation du directeur de la communication, Manuel Valls : «Je ne crois pas à l’idée d’évitement, mais à celle de l’approfondissement. Cela n’empêche pas de répondre, voire de surprendre, mais ça interdit de changer de pied.» Pour le député de l’Essonne, «il faut revenir à la pédagogie». Avec de nouvelles propositions ? «Non, la campagne n’est pas un feu d’artifice permanent, ça lasse. Les Français ont besoin de constance, de cohérence», assure Valls. Sauf que sur le quotient familial, l’euthanasie, le nucléaire, le candidat donne parfois l’impression de raboter ses ambitions en les précisant. «Sa principale difficulté, c’est de dire : "Je vous dis noir mais il y a aussi des choses bien dans le blanc." Il donne une certitude et dans les secondes qui suivent, l’atténue et la module», regrette un député socialiste. Et d’ajouter : «Il ne veut donner prise à rien. Et comme ça marche, il n’a pas de raison de changer.»

Polémique. A la différence de Ségolène Royal il y a cinq ans, François Hollande a tout le PS derrière lui et écrase toujours Nicolas Sarkozy au second tour dans les sondages. Il avance donc en candidat sur lequel aucune polémique n’accroche. «Vous seriez étonnés du nombre de sujets qui ne nous coûtent rien en voix, dit-on sur l’aile gauche du PS. Les gens veulent s’enlever une épine du pied en sortant Sarkozy. La question de savoir si Hollande fournit une bonne semelle est secondaire.» Pour Jean-Marc Ayrault, le patron des députés, en revanche, Hollande en a sous le pied : «On ne veut pas que ce soit un référendum contre Sarkozy, mais un référendum pour Hollande. Nous voulons convaincre les Français que nous avons les moyens de réussir.»