Et si l'on parlait des moyens?

Le discours d'Illkirch est révélateur de cette vacuité. Tout entier centré autour du refus de la fatalité et donc de la nécessité d'un Etat fort qui mette en oeuvre une volonté politique forte, ce discours égrène les points de crise pour dire tout ce qu'une puissance publique forte pourrait faire, résoudre!

 Le discours tournait autour de trois thèmes 2

Puissance publique responsable:

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imposer une Europe qui sécurise

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investir dans la recherche

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investir dans la formation continue

Relation avec les travailleurs sociaux

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renforcer dialogue social

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renforcer représentativité des organisations syndicales

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modernisation sociale

Relation avec les entreprises

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sécurisation des parcours professionnels

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aide aux PME et aux créateurs d'entreprise

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sécurisation de l'insertion des jeunes

Sur chacun de ces points, apparaît en filigrane, la cause de la crise (l'ultralibéralisme, c'est à dire l'affaiblissement de l'état par le laisser faire) et la solution: une  volonté politique forte.

Deux observations

On se trouve bien ici dans un discours de campagne et non dans celui de l'exercice du pouvoir. Si la distinction (de M Weber 3 ) a un sens, entre éthique de conviction et éthique de responsabilité, c'est bien ici! N'étant pas au pouvoir, les candidats peuvent (doivent) donner libre cours à leurs conviction; peuvent (doivent?) ne pas tenir compte de la réalité, du possible. On reconnaît le candidat à ceci même!

 A ce titre la cérémonie des voeux du Président cache effectivement quelque chose comme une candidature - au moins souhaitée-: il ne se pose, certes, pas du tout sur le plan des responsabilités assumées depuis deux mandats, mais uniquement du côté des aspirations volontaires, des convictions fortes qui selon lui doivent être les leit-motive  de la campagne ... et de la France!   

Vacuité des moyens et protubérance de la volonté sont effectivement les signes distinctifs de celui qui se présente devant nous avec la seule légitimité, son charisme, pour seule force, son ambition!

On remarquera ensuite le clin d'oeil (la ruse?) royaliste: la récupération du thème de l'insécurité - qui fut un des éléments de la chute de Jospin en 2002): déplacée du seul terrain de la violence urbaine vers celui plus général, de la violence économique et sociale, l'insécurité est retraduite dans la langue de la gauche. De gauche assurément cette force qui lui fait affirmer que la véritable richesse économique, c'est l'homme lui-même 5 , même si c'est au prix d'une acrobatie libérale (capital humain) !

Pour autant n'est-ce pas brouiller ipso facto les sirènes du participatif, dans la mesure même où c'est bien la figure protectrice, maternelle en même temps qu'autoritaire, qui craquelle ici !

Faites moi confiance, je vous protégerai! On ne sait toujours pas comment!

 

1)sur le site de S Royal

 

2) Et d'abord pour éviter que les désordres que crée une mondialisation non maîtrisée, que face à eux il doit y avoir une puissance publique pleinement responsable, capable d’anticiper, de prévenir et d’investir dans l’avenir.

Ensuite pour amplifier son action et pour la rendre plus intelligente, je veux une puissance publique capable de travailler avec des partenaires sociaux à la légitimité renforcée. C'est le dialogue social à moderniser.

Et enfin pour mettre un terme à l’injustice scandaleuse qui fait supporter aux seuls salariés toute la charge des mutations que traverse notre pays, je veux une puissance publique qui sécurise, qui protège et qui accompagne.

 

3 « Nous en arrivons ainsi au problème décisif. Il est indispensable que nous nous rendions clairement compte du fait suivant : toute activité orientée selon l'éthique peut être subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées. Elle peut s'orienter selon l'éthique de la responsabilité [verantwortungsethisch] on selon l'éthique de la conviction [gesinnungsethisch]. Cela ne veut pas dire que l'éthique de conviction est identique à l'absence de responsabilité et l'éthique de responsabilité à l'absence de conviction. Il n'en est évidemment pas question. Toutefois il y a une opposition abyssale entre l'attitude de celui qui agit selon les maximes de l'éthique de conviction – dans un langage religieux nous dirions : "Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l'action il s'en remet à Dieu" –, et l'attitude de celui qui agit selon l'éthique de responsabilité qui dit : "Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes". »

in Le savant et le Politique, Plon, coll. 10-18, Paris, 1993, p. 172

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sur Weber

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L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme est téléchargeable

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trois textes de Weber

 

4 Chirac, candidat sans en avoir l'air ,  titre d'une interview dans Libération du 2/01/07. C'est en tout cas la conviction d'Y Michaud, interviewé sur ce point

 

5 Les conservateurs n’ont, au fond, pas compris l’essentiel : la relance de la croissance suppose un changement radical de politique qui fasse de la justice sociale et de la qualification des salariés non pas l’ennemie mais au contraire le ressort de la performance, et qui fait du capital humain, non pas une variable d’ajustement mais au contraire la principale richesse à valoriser, et la condition de notre avantage concurrentiel le plus durable. (S Royal)