Démocratie participative

Quelque chose comme une gêne devant ce qui m'apparaît moins comme concept1 que comme slogan! quelque chose comme l'antonyme de ces oxymores repérés, pas plus signifiants pour autant; révélateurs tout au plus d'une crise qu'on croirait résolue en invoquant la redondance comme autrefois l'on invoquait les dieux! Quelque chose comme le relent de fétichisme par quoi il suffirait de nommer  pour qu'immédiatement la chose existât!

De quoi souffre la démocratie, sinon de son évidence: serions-nous contraints de nous battre pour la défendre ou l'établir, sans doute revêtirait-elle un contenu autrement plus précis que ce salmigondis issu d'une histoire désormais trop assurée d'elle-même!

Rousseau?

Revenir aux fondamentaux 2 , serait, pour une fois revenir à la racine, aux termes mêmes dans lesquels elle fut posée. Et en profiter pour comprendre pourquoi nous pêchons si aisément à confondre république et démocratie quand l'une et l'autre sont porteuses de sens différents qu'on aura tort de négliger.

Je ne crois toujours pas qu'il y ait en France crise du politique; tout au plus de la politique. Non pas crise de connaissance, mais de reconnaissance. Les français semblent toujours se passionner autant pour la chose publique, même si cette passion se concentre sur le local (municipales surtout) et sur le global (les présidentielles) parce qu'il sait que c'est ici que les choses se jouent. Passion non dénuée de raison, paradoxalement: ils ne se font aucune illusion et se sont départis depuis longtemps de la mystique du grand soir, et même des petits plaisirs des soirées électorales.

Rousseau 3, on le sait, se méfiait de la démocratie représentative. Il s'en méfiait deux fois. Comme tous ceux de son temps, il répugnait à voir autre chose dans la démocratie que le risque trop vite couru d'une dégénérescence soit dans l'oligarchie, soit dans une dictature pure et simple. Il se méfiait en outre de la représentation, devinant bien que les instances représentatives, tôt ou tard interviendraient comme une volonté particulière face à la volonté générale. Mais il ne se méfiait pas du peuple: il avait pleinement conscience que tout pouvoir , dès lors qu'ils s'instituait, susciterait nécessairement un jeu d'oppositions. En réalité, et l'idée même d'un droit de révolte des peuples, sitôt que la loi cesserait d'exprimer l'intérêt général, l'illustre parfaitement, il y a incompatibilité même entre ordre et liberté. Et s'il est un miracle, il tiendrait dans cet équilibre, sans cesse à renouveler, à retrouver; sempiternellement menacé pourtant, entre ces deux extrêmes de nos pulsions.

Les termes de la crise sont ici, pas ailleurs: dans le sentiment très fort, qu'ont les français, d'un discours politique tournant à vide, d'une langue, moins de bois que simple plaidoyer pro domo;  d'une langue creuse simplement parce qu'elle consacrerait la défaite du politique. 4

Volontés

D'où cette prolifération de je veux dans les discours de cette campagne. Tous, implicitement, font l'analyse que les scores de Le Pen sont la réponse du berger à la bergère. Le refus de la dépolitisation passe par la provocation extrême; la provocation de l'extrême. La présence de Le Pen au second tour en 2002 masqua l'essentiel: les deux candidats canoniques  recueillirent moins de 40 % à eux deux; à , y bien regarder, 60 % des suffrages se portèrent sur des candidats soit marginaux soit représentatifs d'une véritable menace pour la démocratie.

L'enjeu est bien de reconquérir ce peuple en lui donnant la parole! Mais non, il ne s'agit pas de populisme. Le discours de Royal n'est pas si démagogue que cela, et, contrairement aux sirènes populistes, n'exacerbe nulle rancoeur ou haine. Non! car ce discours  est bien d'autorité et de volonté; il n'est ni dans la plainte ni dans le misérabilisme: il tient tout entier dans une mobilisation, dans un combat auquel elle convoque le peuple !

On peut voir dans ce type de mobilisation, non pas la victoire de la femme, mais plutôt celle de la mère! Elle rassemble ses enfants égarés, éparpillés: arc-boutée sur l'essentiel, ce qui seul compte, elle défend ceci même qui est menacé: sa famille! Retour de la famille, donc! et de l'ordre. Ne nous étonnons donc pas de cette rémanence de l'ordre moral!

Mais la figure maternelle est aussi autoritaire! Elle est une des formes de la puissance, plus d'ailleurs que du pouvoir. Elle sait parler aux hommes, parce qu'elle ne parle pas que de raison, mais de racines, d'émotions et de devoirs; elle sait parler aux foules parce qu'elle veut incarner sinon l'instinct, au moins la nature qui enjoint, rejoint et exhausse. Elle sait entraîner les foules et les mener au delà d'elles-mêmes.

Mais finalement la mère décide: c'est son rôle. La mère est désormais politique; sans doute le fut-elle toujours !

 

D'où, derechef, la gêne: en appeler au peuple est de bonne démocratie! Serait-ce pour le révoquer incontinent? ou pire l'infantiliser?

 

 

 1) même s'il est au centre de la réflexion de beaucoup : quelques références à tout hasard:

http://ccbx.free.fr/

http://adonnart.free.fr/doc/democrdp.htm

http://adonnart.free.fr/doc/citoy/c6marion.htm

http://www.monde-diplomatique.fr/2005/02/TESTART/11895

2 voir P Rosanvallon, La démocratie inachevée , NRF,

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lire aussi

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interview dans 20 mn

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à comparer avec celle de P Breton

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3 lire

4 voir l'analyse de Rosanvallon sur le non au référendum européen

Ce que j'attends des débats participatifs, c'est sortir des déclarations d'intention, ce sont des propositions concrètes, testées  S Royal

Je ferai le pari de l’intelligence collective et de la capacité des Français à définir ensemble un intérêt général sans perdants et sans humilier. (Illkirch)