La France de toutes nos forces

Voici le slogan: le premier en tout cas ! Discours patriotique s'il en est, mais discours d'ouverture puisque tout est dans la virtualité qu'autorise la force, l'énergie. Plaidoyer pro domo, d'abord, tant il est vrai  que l'homme peine à se frayer une venelle d'entre les mastodontes qui envahissent tout l'espace. Homme de la jungle, sorte de Tarzan ivre de rage, mais jamais fou de fureur, lui, au contraire de l'autre, s'il est également le tiers, n'en cherche pas moins à être reconnu par les siens. Petit Poucet de l'histoire, il joue à être grand. Il est l'homme de l'appel, de l'espérance, de la confiance.

Il n'est qu'à entendre son discours : l'inflation des  heureux, espoir, formidable, j'aime beaucoup, le dispute à peine à l'anaphore des défis et autres je veux.  Home du centre, il ne peux ni tout à fait sombrer dans l'angélisme royal, ni seulement exciper d'une puissance dont il serait l'incarnation volontaire! Synthèse des deux, tout en nuance, cet homme est la figure éponyme du pastel!

Regardons-le: ce rosâtre un peu honteux (de l'arrière-plan comme de la cravate), figure à peine refoulée de Royal, ce gris moiré du costume, totem sévère de la sérieuse gravité du bourgeois installé, tentent l'impossible alchimie, osent le grand oeuvre!

Si les signes ont un sens, cet homme-ci nous prépare l'union nationale!

Les missions qu'ils rappellent devoir être celles de l'État, ne sont rien moins que celles régaliennes auxquelles nous sommes accoutumées. Lui ne rompt avec rien: il désire seulement que l'État revienne dans ses terres et s'occupe de ses peuples. Il y a du légitimisme chez cet homme-ci: à l'automne 88, il rédige son propre cahier de doléance! Il n'imagine pas une seule seconde que l'État pût, dût être épuisé. Mal conseillé, mal dirigé, il se fourvoie, certes, mais un solide bon sens (retrouvé des archives giscardiennes de 78) et une sereine dose de volonté devrait suffire à lui faire retrouver les couleurs de sa splendeur passée. Cet homme joue la république quand Le Pen joue le grand soir, et Royal la vérité pure sous la sincérité un peu niaise de son sourire.

Tout se passe comme-ci, coincé par l'étroitesse obligée de ce centre où il se cloître, Bayrou ne pouvait exister qu'en en appelant à tous, ceux-ci même auxquels il se refuse. S'il est bien l'autre tiers, lui, en revanche n'est ni le tiers exclu, ni le tiers inclus; mais le tiers reclus!

Sa chance, ou sa perte, réside en ceci précisément: entre la violence négatrice de l'un, la rage hyperactive de l'autre, et la vacuité supposée de la troisième, s'ouvre un boulevard pour tous ceux qui répugnent à la haine négatrice, à la promesse creuse ou à la vêture chic et choc, policée mais surannée, faussement novatrice mais furieusement moraliste! Mais ce boulevard cessera d'être une impasse que si les trois autres épuisent leurs charmes. C'est à partir de  février que ceci se jouera, vraisemblablement!

En attendant, il attendra! A l'affût des haruspices  qui dénicheront dans les entrailles des bonimenteurs l'espérance du pastel!

 

 

1 discours de Bayrou  Bron 19 dec  06