René DESCARTES (1596-1650)
René
Descartes est à la fois le plus célèbre et le plus grand des philosophes
français. En France, cependant, sa célébrité ne tient pas toujours à son
génie, mais à une simplification désastreuse de sa doctrine, où l’on ne voit
qu’un rationalisme étroit et à courte vue: chacun, alors, croit pouvoir
invoquer à tout propos l’autorité de Descartes, et se dire cartésien. En
réalité, la philosophie de Descartes est d’une extraordinaire complexité, et
sa richesse telle qu’on y peut découvrir la source de toute la philosophie
moderne. Les grands métaphysiciens du XVIIe siècle (Malebranche, Spinoza,
Leibniz) ont construit leurs systèmes en réfléchissant sur celui de
Descartes dont, bien entendu, ils s’éloignent souvent, mais par rapport
auquel ils se situent toujours. Les analyses de Locke, de Berkeley, de Hume
ont leur source dans le cartésianisme. La fameuse «révolution copernicienne»
de Kant n’est, en un sens, qu’une reprise de la primauté, accordée par
Descartes, au sujet pensant sur tout objet pensé. Hegel tient Descartes pour
un héros. Et, plus récemment, Edmund Husserl a donné à ses conférences
prononcées à Paris en 1929 le titre de Méditations cartésiennes. La vocation intellectuelleRené Descartes naquit le 31 mars 1596 à La Haye, petite ville de Touraine qui a abandonné son nom pour prendre celui du philosophe. Son père est Joachim Descartes, conseiller au Parlement de Rennes, sa mère Jeanne Brochard. En 1606, à l’âge de dix ans, il est admis au collège royal de La Flèche, tenu par les jésuites. Il y reçoit un traitement de faveur, dû à ses dons et à sa fragile santé: il peut se lever tard, réfléchir longuement dans son lit, habitude qu’il conservera toute sa vie. La première partie du Discours de la méthode nous entretient de ces années d’études. Descartes remarque vite que les leçons qu’il reçoit ne lui donnent, dans la vie, aucune assurance. Il rêve d’une science proposant à l’homme des fins, et veut fournir à la morale une certitude qu’il ne rencontre alors que dans les mathématiques. La « science admirable »En 1614, Descartes quitte La Flèche. En 1616, il passe, à
Poitiers, son baccalauréat et sa licence en droit. En 1618, il se rend en
Hollande et s’engage dans l’armée de Maurice de Nassau. C’est au mois de
novembre de cette même année qu’il fait la rencontre, capitale pour lui, de
Beeckman. Plus âgé que Descartes, Beeckman venait de prendre, à l’Université
de Caen, ses grades de licencié et de docteur en médecine. Très informé des
progrès scientifiques du moment, il tenait journal de ses réflexions et du
résultat de ses recherches. Il professait le mécanisme, et c’est pour le
mécanisme que Descartes s’enthousiasme aussitôt. C’est pour Beeckman, avec
lequel du reste il devait se fâcher plus tard, qu’il rédige ses premiers
écrits, et un petit Traité de musique (1618). L’obligation de philosopherLà, il règle ses affaires de famille, et se trouve assez de
fortune pour n’avoir pas à gagner sa vie. Il recommence alors à voyager,
visite l’Italie, et revient en France en 1625. Durant deux ans, il y mène,
surtout à Paris, une vie à la fois scientifique et mondaine. Car, d’une
part, il fréquente les salons, se bat en duel pour une femme, et, d’autre
part, recherche la compagnie des savants: Morin, Mersenne, Mydorge,
Villebressieu. En 1627, chez le nonce du pape, il rencontre le cardinal de
Bérulle, qui lui fait une obligation de conscience de se consacrer à la
philosophie. ©Encyclopaedia Universalis 1998 |