Textes

Guillaume d'Ockham

S'il peut y avoir une connaissance intuitive
d'un objet non-existant ? [16]

 


Quodlibet 6, question n°6

[Raison en faveur du « non » :]
Non : car il y a contradiction à ce qu'il y ait une vision et rien ne soit vu : donc, il y a contradiction à ce qu'il y ait une vision et l'objet vu n'existe pas.

[Raison en faveur du « oui » :]
En sens contraire : la vision est une qualité absolue distincte de l'objet : donc, sans contradiction, elle peut être produite sans objet.

<Réponse à la question : première conclusion>
[oui, par Dieu]

Pour cette question, je pose deux conclusions : la première est qu'il peut y avoir connaissance intuitive d'un objet non-existant, par la puissance divine. Ce que je prouve d'abord par l'article de foi : « Je crois en Dieu le Père tout-puissant », <article> que je comprends de la manière suivante : tout ce qui n'inclut pas de contradiction manifeste doit être attribué à la puissance divine ; or, que cela soit fait par Dieu n'inclut pas de contradiction : donc, etc.

En outre, en cet article est fondée cette proposition fameuse des théologiens : « tout ce que Dieu produit par la médiation des causes secondes, il peut immédiatement le produire et le conserver sans elles ». À partir de cette proposition, j'argumente ainsi : Dieu peut <produire> immédiatement par lui-même tout effet qu'il peut <produire> par la médiation d'une cause seconde ; or, il peut <produire> une connaissance intuitive corporelle par la médiation d'un objet : donc, il peut la <produire> immédiatement par lui-même.

[...]

<Deuxième conclusion>
[non, par nature]

La seconde conclusion est que, de manière naturelle, une connaissance intuitive ne peut ni être causée ni être conservée lorsque son objet n'existe pas. La raison en est qu'un effet réel ne peut ni être conservé ni être produit du non-être à l'être par ce qui n'est rien et, par conséquent, en parlant selon la nature, <l'effet> requiert l'existence de la cause qui le produit et le conserve.

[...]