Textes

Guillaume d'Ockham

La logique, auxiliaire de la connaissance [7]

 

[...] Troisièmement, il faut traiter de l'utilité de cette science [la logique]. Il faut savoir à ce sujet que cette science sert à de multiples fins, dont l'une est la facilité de discerner entre le vrai et le faux. Car si on possède parfaitement cette science, on juge facilement de ce qui est vrai et de ce qui est faux, lorsqu'il s'agit de ce que l'on peut savoir par le moyen des propositions connues de soi. Comme il n'est nécessaire, en effet, en de pareilles matières, que de procéder avec ordre, en allant des propositions connues de soi à ce qui en découle finalement, et comme la logique enseigne semblable processus discursif, il en résulte que, grâce à elle, on découvre facilement le vrai en de pareilles matières et que, pour la même raison, on discerne facilement le vrai du faux.

La logique est encore utile en ce qu'elle permet de répondre promptement. Car cette science enseigne à discerner ce qui est incompatible avec la chose proposée, ce qui en est le conséquent, ce qui en est l'antécédent ; une fois connues ces trois choses, c'est en toute facilité qu'on nie l'incompatible, qu'on concède le conséquent et qu'on répond que l'antécédent est non pertinent, en raison de sa nature. Cet art enseigne aussi la solution de tous les arguments qui pèchent dans la forme ; et il n'est pas possible, en quelque science que ce soit, d'inférer sophistiquement à partir de propositions vraies quelque chose de faux, sans que, grâce aux règles certaines qu'enseigne la logique, on ne décèle facilement pareille défaillance, ce qui est impossible sans la logique ou sans son emploi ; et par conséquent, ceux qui ignorent cette science prennent de nombreuses démonstrations pour des sophismes, et, inversement, accueillent à titre de démonstrations bien des sophismes, faute de savoir distinguer entre le syllogisme sophistique et le démonstratif.

La logique sert encore à rendre facile de percevoir la valeur des mots et la façon propre de parler. Car grâce à cet art, on sait facilement ce que disent les auteurs au sens littéral du discours, ce qu'ils disent, non en un sens littéral, mais selon la façon courante de parler ou d'après leur intention particulière, ce que l'on dit proprement, ce que l'on dit métaphoriquement ; et cela est surtout nécessaire à tous ceux qui s'appliquent à comprendre les paroles d'autrui ; car ceux qui interprètent toujours au sens littéral et propre tous les propos des auteurs, tombent dans de nombreuses erreurs et d'inextricables difficultés.