Textes

Guillaume d'Ockham
Connaissance de Dieu

 

L'homme ne peut connaître ici-bas ni la divine essence, ni la divine quiddité, ni quoi que ce soit d'intrinsèque à Dieu, ni quoi que ce soit de la réalité de Dieu... La loi de la nature est que l'homme ne connaisse rien en soi, si ce n'est ce qu'il connaît par intuition. Or, quand il fait emploi des seules forces de la nature, il ne peut, au moyen de l'intuition, s'élever à la connaissance de Dieu... L'essence divine, la quiddité divine peuvent, toutefois, nous être connues par quelque concept qui leur est propre, concept non pas simple, mais composé ; que nous formons avec d'autres concepts abstraits des choses... Cependant, on ne connaît pas Dieu en soi ; ce qu'on connaît ici-bas, c'est un autre que Dieu, car tous les termes de cette proposition : aliquod ens est sapientia, justitia, charitas, sont certains concepts dont aucun n'est réellement Dieu. Or, les objets de la connaissance, ce sont tous ces termes ; donc on connaît par eux autre chose que l'essence même de Dieu. [9]

[...] Je concède que toute connaissance abstractive d'une chose naturellement acquise présuppose une connaissance intuitive de cette même <chose>. La raison en est qu'aucun intellect ne peut naturellement acquérir la connaissance d'une chose, si ce n'est par la médiation de cette chose comme cause partielle efficiente ; or, est intuitive toute connaissance pour laquelle est nécessairement co-exigée l'existence de la chose : donc, la première connaissance d'une chose est intuitive. Cependant, Dieu peut causer une connaissance abstractive et de la déité et des autres choses sans connaissance intuitive préalable : par conséquent, la connaissance abstractive de la déité est communicable à l'homme ici-bas. [10]