Abbaye Saint Benoît
de Port-Valais |
LETTRE LXXVII. (Année 400.)On remet au jugement de Dieu une affaire entre un moine et un
prêtre. Extrême réserve de saint Augustin en matière d'accusation. AUGUSTIN AUX BIEN-AIMÉS SEIGNEURS ET TRÈS-HONORABLES FRÈRES FÉLIX ET HILARIN, SALUT DANS LE SEIGNEUR.1. Je ne m'étonne pas que Satan trouble les coeurs des fidèles; résistez-lui, en demeurant dans l'espérance des promesses de Dieu qui ne peut pas tromper; non-seulement il a daigné promettre des récompenses éternelles à ceux qui croient et espèrent en lui et persévèrent dans sa charité jusqu'à la fin, mais il a prédit que les scandales ne manqueraient pas pour exercer et éprouver notre foi, car il a dit : « Parce que l'iniquité abondera, la charité de plusieurs se refroidira, » et aussitôt il ajoute « Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé (2). » Quoi de surprenant si les hommes sont les détracteurs des serviteurs de Dieu et, dans l'impuissance de corrompre leur vie, s'efforcent d'obscurcir leur renommée, puisque chaque jour ils blasphèment Dieu lui-même et leur Seigneur en se plaignant de ce qu'il fait contre 1. Nombr. XVI, 31-33. 2. Matth. XXIV, 12, 13. leur gré par un juste secret jugement ! J'exhorte donc votre sagesse, bien-aimés seigneurs et très-honorables frères, à opposer aux calomnies des hommes, aux vains discours et aux soupçons téméraires la méditation chrétienne de l'Ecriture de Dieu, qui a prophétisé toutes ces choses et nous a avertis de nous tenir fermes contre elles. 2. Aussi je dirai brièvement à votre
charité que le prêtre Boniface n'a été convaincu d'aucun crime devant moi, que je n'ai
jamais rien cru et ne crois rien de pareil sur son compte. Comment ordonnerais-je
d'effacer son nom du nombre des prêtres, lorsque j'entends cette effrayante parole du
Seigneur dans l'Evangile : « Vous serez jugés comme vous aurez jugé les autres (1)
? » L'affaire entre lui et Spès a été remise au
jugement de Dieu, d'après une convention entre eux qu'on pourra vous communiquer si vous
voulez (2); qui suis-je moi-même pour oser prévenir la sentence de Dieu en effaçant ou
en supprimant le nom de ce prêtre? évêque, je n'ai pas dû
élever contre lui un soupçon téméraire; homme, je n'ai pas pu juger clairement sur les
choses secrètes des hommes. Dans les causes séculières, lorsqu'on s'en réfère à un
pouvoir plus haut, tout reste dans le même état ; on attend la sentence dont il n'est
pas permis d'appeler, de peur de faire injure au juge supérieur si on changeait quelque
chose pendant que l'affaire est pendante devant lui : or, quelle différence entre la
divine puissance et la puissance humaine, quelque grande qu'elle puisse être ! Que
la miséricorde du Seigneur notre Dieu ne vous abandonne jamais, bien-aimés seigneurs et
honorables frères. 1. Matth. VII, 2. 2. Un moine de la communauté de saint Augustin, appelé Spès, et un prêtre d'Hippone, appelé Boniface, s'étant mutuellement accusés de désordres, notre évêque les envoya au tombeau de saint Félix, à Nole, dans l'espoir qu'un miracle ferait connaître lequel des deux était coupable.
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