Histoire du quinquennat

Législatives 2012
Et un, et deux et troisième tour


La gauche est donnée en tête des législatives, dimanche. Mais le PS devra sans doute compter sur ses alliés pour obtenir une majorité.


Par François Wenz-Dumas

Présidentielle, troisième tour. Après la primaire socialiste à l’automne, et l’élection de François Hollande le 6 mai, ces élections législatives marquent la fin de la séquence politique majeure qui permet une fois tous les cinq ans de confier à la droite ou à la gauche la conduite des affaires du pays.

Le second tour de la présidentielle proposait un choix binaire : alternance ou continuité. Le premier tour des législatives, dimanche, avec ses 577 circonscriptions et ses 6 611 candidats, n’est pas un simple vote de confirmation de la présidentielle. Il va dessiner les contours de la prochaine majorité, ce qui ne sera pas sans incidence sur les choix gouvernementaux.

Mais au-delà de cette arithmétique parlementaire, c’est la donne politique des cinq prochaines années qui se dessine. Le PS sera-t-il hégémonique ou obligé de composer avec ses alliés ? Sur quel champ de ruines la droite va-t-elle se reconstruire ? Le centrisme a-t-il disparu sur l’autel de la bipolarisation ? Quel est le vrai pouvoir de nuisance du FN ? Dimanche, la carte qui sortira des urnes ébauchera un nouveau paysage politique.

Le taux d’abstention, clé du second tour

Premier enjeu, et non des moindres : le taux de participation. Si l’on écarte l’élection à la proportionnelle (donc à un tour) de 1986, depuis trente ans l’abstention dépasse toujours les 30 %, avec un record de 39,5 % en 2007. Cette particularité d’une mobilisation plus faible qu’à la présidentielle a une première conséquence : la réduction du nombre de triangulaires possibles. Car pour se maintenir au second tour, il faut 12,5 % des inscrits. Avec 40 % d’abstentions, cela veut dire obtenir plus de 20 % des exprimés. En 2002, avec 35,6 % d’abstentions, le FN n’avait pu se maintenir que dans 37 circonscriptions malgré la dynamique de la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. Et en 2007, seule Marine Le Pen avait pu se maintenir au second tour.

Une faible participation favoriserait-elle la droite ou la gauche ? Sondeurs et analystes politiques sont très partagés. En principe, les électeurs âgés, qui votent plus à droite, s’abstiennent moins. Mais il n’est pas certain que l’électorat conservateur souhaite une cohabitation. Quant aux électeurs de gauche, souligne Gaël Sliman, de BVA, «une forte abstention au premier tour pourrait les remobiliser pour le second, s’ils ont le sentiment que le résultat des législatives risque d’inverser celui de la présidentielle».

Chambre rose ou gauche vert-rose-rouge ?

L’Assemblée compte 577 députés. La majorité absolue est donc de 289. La première équation est simple : la gauche, toutes tendances confondues, aura-t-elle la majorité ? Tous les sondages réalisés ces derniers jours montrent que l’hypothèse d’une victoire de la droite est très improbable. «Les gens qui veulent une cohérence politique sont plus nombreux que ceux qui veulent inverser le résultat de la présidentielle», assure David Asssouline, sénateur PS de Paris.

Mais le scrutin majoritaire peut toujours réserver des surprises. Au second tour de la présidentielle, si François Hollande est arrivé en tête dans 333 circonscriptions, il ne dépasse les 52 % que dans 265 d’entre elles. L’autre question est de savoir si ce seuil de 289 sera atteint par les seuls socialistes, ou en incluant les élus Europe Ecologie-les Verts, ou juste avec l’appoint des députés Front de gauche. Dans le premier cas, le gouvernement aura les coudées plus franches que dans le second, et a fortiori le troisième.

A partir d’un sondage pour Radio France, début juin, l’institut Ipsos a réalisé des projections donnant une fourchette de 249 à 291 sièges pour le PS et divers gauche, 14 à 16 pour les radicaux de gauche, 17 à 23 pour EE-LV et 21 à 23 pour le Front de gauche. Toutes les configurations semblent donc ouvertes.

La droite au bord de la crise de nerfs

Si la rivalité Copé-Fillon est patente (lire page 6), les leaders de l’UMP ont tout fait pour qu’elle s’étale le moins possible au grand jour, campagne oblige. Mais dès dimanche, en cas de défaite, on pourrait assister à la recherche du responsable. Est-ce Nicolas Sarkozy et sa petite équipe de conseillers, qui avaient imposé le choix d’une campagne dure, sur une thématique très droitière, au lieu de chercher à rassembler ? Jean-François Copé, qui a accompagné cette stratégie ? Ou les gaullistes sociaux et les modérés, les Xavier Bertrand, les Jean-Pierre Raffarin qui, ne se reconnaissant pas dans cette ligne, ont traîné des pieds ? Une chose est sûre : il y avait 329 députés de droite dans l’Assemblée sortante, et plusieurs dizaines voire une centaine d’entre eux ne retrouveront pas leur siège. Le secrétaire général de l’UMP a tout intérêt à ce qu’ils soient les moins nombreux possible.

La capacité de nuisance Front National

Le FN, combien de députés ? Marine Le Pen elle-même ne se fait pas d’illusion : s’il y en a, ils se compteront sur les doigts d’une main. La présidente du parti frontiste ne part pas favorite dans le Pas-de-Calais à Hénin-Beaumont (lire page 8), même si elle devrait y réaliser un meilleur score qu’en 2007 (41 % au second tour). Le Front national a sans doute ses meilleures chances dans la 2e circonscription du Gard avec le très médiatique avocat Gilbert Collard. Mais il pourrait aussi créer la surprise dans la 6e de Moselle avec le directeur de la campagne présidentielle de Marine Le Pen, Florian Philippot, ou dans la 12e des Bouches-du-Rhône. Des circonscriptions où la présidente du FN a passé la barre des 28 % le 22 avril . Le FN devrait pouvoir se maintenir en triangulaire dans une cinquantaine de circonscriptions. Suffisamment pour semer le trouble à l’UMP.

La famille centriste à l’heure des règlements de comptes

Au-delà du sort de François Bayrou, l’explication de texte risque d’être vive chez les centristes. Le Modem n’a pas grand-chose à perdre, puisqu’il n’avait que trois députés. Mais si son président est battu (lire page 10), on voit mal comment il pourrait jouer un rôle dans la recomposition des centres. Quant au Nouveau Centre, tout dépendra de sa capacité à conserver un groupe à l’Assemblée. Dans la simulation Ipsos, il était crédité de 9 à 14 sièges, et les radicaux valoisiens de Jean-Louis Borloo de 2 à 5 sièges. Le parti d’Hervé Morin risque de payer au prix fort son soutien dès le premier tour à un Sarkozy qui tournait le dos aux valeurs de la droite modérée, et qui, au bout du compte, a perdu.