Histoire du quinquennat

La recomposition doit se faire sur le plan des valeurs
La fin du monopole de l'UMP

Yves Roucaute

Agrégé de philosophie et de sciences politiques, professeur à Paris-Ouest-Nanterre


Après avoir perdu présidentielle, sénatoriales, régionales, municipales, cultiver son propre jardin, pour les démocrates-chrétiens, libéraux-sociaux, radicaux, gaullistes de droite et de gauche, est assurément plus séduisant. Le point de vue de la concorde patriotique est difficile à tenir et la tentation est grande d'un adieu à l'UMP, dans cette France aux 246 variétés de fromages où chacun aime sa différence. Les volontés deviennent instables selon les diabolisations des uns et les pressions des autres, avec le désir d'alliances immorales pour goûter au pouvoir quand bien même l'intérêt général court à sa ruine.

Paradoxalement, les conditions de la concorde et de la reconquête sont pourtant réunies. A condition d'évacuer un parti qui a fait son temps. Structure verticale et monopolistique, style de gouvernance technocratique et bureaucratique, campagne présidentielle qui prétendit ratisser large avec un râteau à une dent : la forme archaïque de l'UMP relève du Salon des antiquaires. A condition aussi de dépasser la déception légitime d'une défaite, somme toute honorable dans cette crise économique, et de juger sévèrement nombre de maladresses. En particulier envers les corps intermédiaires, nécessaires aux républiques. Envers les universitaires, traités avec mépris. Envers les journalistes, intellectuels à convaincre et non à vaincre. Envers ses alliés qui méritent cette " amitié politique " dont parle Aristote, non en raison du nombre de leurs divisions mais de leur belle identité.

Ainsi, chacun pourra apercevoir le socle commun de la reconquête : les valeurs universelles d'origine judéo-chrétiennes, la défense du mode de vie à la française et de la puissance de la France dans une Europe forte. Ce qui est précisément le patriotisme à la française.

Seule cette recomposition autour du patriotisme où chacun reste soi-même, dans une structure ouverte composée de courants officiels ou dans une confédération de partis distincts, peut permettre de répondre aux souffrances du monde ordinaire, et aux démagogies du Front national. Seule, elle offrira, face au relativisme du Parti socialiste et à ses alliances contre nature, les fondements d'une alternative républicaine enthousiasmante.

La France doute d'elle-même ? Il faut lui redonner confiance. Elle ne sait plus qu'elle porte un grand message au monde ? Il faut le lui rappeler. Que son modèle séduit chaque jour l'humanité ? Il faut le lui dire. Que l'Europe peut la protéger et accroître sa puissance, il faudra le lui démontrer.

Car le modèle de vie à la française met l'humain au centre, au lieu du marché, de l'Etat et de la raison technicienne. Première nation culturelle du monde, la France séduit avec sa vie sucrée, son style de vie, sa liberté, son égalité, sa fraternité, et ses corollaires : sa justice sociale, son ode à la femme libre et digne, sa laïcité, sa passion des droits de l'homme, son invention du développement durable et de la paix d'humanité.

Ainsi, pour les héritiers de Charles de Gaulle, de Robert Schuman et de Jean Monnet, l'opposition au Front national n'est pas de circonstance, pas plus que le refus du relativisme n'est un accident.

Ils s'orientent en fonction du ciel bleu azur où se tiennent leurs valeurs universelles pour construire la puissance de la France sur celle de l'Europe. Sans naïveté dans cette concurrence mondiale. Aux antipodes des profondeurs abyssales du bleu Marine, d'un christianisme dévoyé opposé au judaïsme, d'un passé qui ne distingue plus Pétain de Jean Moulin, d'un effondrement de la puissance par la sortie de l'Union européenne, d'un étatisme irresponsable, d'un protectionnisme destructeur d'emplois, de l'homophobie, de l'islamophobie et d'un isolationnisme qui conduisit à s'opposer à l'envoi des soldats de la liberté en Libye et en Côte d'Ivoire.

Et si beaucoup de musulmans disent dans les enquêtes avoir voté pour François Hollande, j'y vois une raison de plus pour que chacun reste soi-même et pour repenser l'UMP, incapable d'envoyer dans les quartiers populaires les musulmans patriotes, premiers persécutés par l'islamisme. Au lieu de leur aide, le " halal " et le " casher " furent mis sur la table. Contre le nationalisme, le patriotisme à la française : la France ne distingue pas entre ses enfants, elle exige que ses enfants la distinguent.

Avec ce patriotisme à la française, tout est prêt pour une vraie recomposition qui ne soit ni une confusion ni une fusion, mais une union des volontés et des sentiments autour de la France, de ses valeurs et de sa puissance. En n'oubliant pas, comme l'écrivait le général de Gaulle, que " la France n'est réellement elle-même qu'au premier rang ".