Histoire du quinquennat

Progrès et reculs du vote Front national
LE MONDE 01.06.2012

Au premier tour de l'élection présidentielle, le vote Front national (FN) a été fort en zone périurbaine, s'est diffusé dans des "terres de mission" du parti d'extrême droite et a reculé dans les grandes villes. C'est le constat dressé par Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'IFOP, dans Le Sens des cartes, analyse sur la géographie des votes à la présidentielle (Fondation Jean-Jaurès, 108 pages, 6 euros).
Le score de Marine Le Pen au premier tour, comparé à celui de Jean-Marie Le Pen en 2002, a connu "une poussée non uniforme". "Tout se passe comme si, cette année, la structure du vote frontiste avait été, encore davantage que par le passé, polarisée selon une logique spatiale", écrit M. Fourquet.
Il s'appuie sur les cartes réalisées par le Laboratoire MTG Idées de l'université de Rouen, qui analysent le vote à l'échelle du canton. Autre donnée utilisée : les résultats en fonction de la distance aux grandes agglomérations. Elle montre que le vote Le Pen est surreprésenté dans le "grand périurbain", regroupant, outre les communes périurbaines, des petites villes et des communes rurales situées à entre 20 et 50 kilomètres des agglomérations.
Celles-ci ont accueilli "des pans entiers des catégories populaires", qui ont "quitté les grandes agglomérations pour s'installer dans les zones pavillonnaires périurbaines" à cause du prix des loyers ou de la délinquance.


PROGRESSION EN MILIEU RURAL


S'y ajoute le fait que "le vote des milieux populaires et des catégories rencontrant des difficultés constitue la composante principale du vote FN au plan national". Or, l'analyse montre que le grand périurbain a "la proportion la plus élevée d'ouvriers et d'employés".
"Mme Le Pen et ses conseillers ont bien cerné le profil psychologique de cet électorat populaire périurbain, et c'est souvent d'abord à eux - les fameux "invisibles" - qu'elle s'est adressée durant la campagne, en calibrant ses propos sur les attentes et les difficultés quotidiennes de cet électorat, comme en témoigne l'attention portée au tarif des carburants", note le sondeur.
En milieu rural, Mme Le Pen a enregistré, dans les zones situées à entre 50 et 60 kilomètres du centre des grandes villes, un score de 20,6 %, soit une progression de presque 6 points par rapport à 1995. Le score du FN augmente le plus nettement - de 6,7 points par rapport à 1995 - dans les zones situées à entre 80 et 90 kilomètres des grandes villes.
Mme Le Pen a pu ainsi progresser sur des "terres de mission" comme l'Ouest ou le Massif central, qu'elles soient historiquement catholiques ou athées, de droite ou de gauche. Là, c'est le discours lepéniste sur la ruralité qui a joué à plein.

 

LES CITADINS MOINS PERMÉABLES AUX THÈSES FRONTISTES


Comme dans un mouvement de balancier, Mme Le Pen recule fortement dans les grandes métropoles par rapport au score de M. LePen en 2002. En cause, notamment, les évolutions sociologiques qui voient l'accroissement, dans les villes, de la proportion des catégories socioprofessionnelles les plus favorisées et des diplômés, et le développement du multiculturalisme.
Cela rend les populations citadines moins perméables aux thèses frontistes. D'ailleurs, Mme LePen ne s'y est pas trompée, pendant sa campagne, en raillant les "bobos des centres-villes".
Une évolution similaire s'observe dans des villes où le FN avait pu percer dans les années 1980 et 1990, comme Mulhouse (Haut-Rhin), Saint-Etienne (Loire), Creil (Oise), Dreux (Eure-et-Loir) ou Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). On y voit une "modification de la composition de la population", notamment "l'augmentation de la part d'étrangers", alors qu'"une partie de Français sans ascendance étrangère ou issus de l'immigration européenne" est partie.
Si le FN se renforce dans le Nord et l'Est, il connaît un recul dans ses fiefs méridionaux. Cela s'explique par le fait qu'une "fraction de l'électorat de droite conservateur et radicalisé de cette région, qui avait pu voter FN en 2002 (...), est revenue, en 2012, dans le giron de l'UMP", du fait du "discours de droite décomplexé de Nicolas Sarkozy". Ce phénomène se retrouve dans certaines parties de l'Alsace ou dans des communes savoyardes aisées.