Histoire du quinquennat

Nicole Bricq veut conduire «la transition écologique»

Inconnue du grand public mais reconnue pour son expertise budgétaire à la commission des finances du Sénat, Nicole Bricq a délivré un message assez politique, mardi soir au Sénat, pour sa première intervention publique depuis sa nomination : non, elle n’apprécie pas l’expression « développement durable » – qui figure pourtant dans l’intitulé de son ministère – car « c’est un mot-valise » dans lequel « tout le monde peut se retrouver ».

Elle lui préfère l’expression plus ambitieuse de « transition écologique » : « J’y tiens beaucoup, c’est la mission que j’ai reçue du président de la République. » La ministre a expliqué vouloir œuvrer en faveur d’un « nouveau modèle de développement », y compris pour les pays riches. Popularisée en France par les experts de Négawatt, l’ONG Greenpeace ou encore Nicolas Hulot, la notion de transition énergétique désigne la transformation de l’économie vers un système plus économe en énergie, moins émetteur de CO2 et moins consommateur en terres agricoles. C’est une formule plus appréciée des écologistes de gauche et des organisations de solidarité internationale que celle de « croissance verte », soupçonnée de faire la part trop belle aux intérêts des entreprises.

L’expression choisie par Nicole Bricq n’a donc rien d’accessoire. Pour le reste, la ministre s'est voulue prudente, annonçant qu’elle présenterait ses grandes orientations « d’ici quelques jours ou quelques semaines » et ajoutant : « Je travaille d’abord, je parle ensuite. » Citant l’exemple du schéma de transition écologique de la région Ile-de-France, elle a fait l’éloge de « la transversalité » et de « la capillarité des politiques ». Elle a ajouté que le rapatriement de l’énergie au sein de son ministère était « essentiel ». C’est l’arbitrage que Nathalie Kosciusko-Morizet avait perdu, fin 2010, quand Jean-Louis Borloo avait quitté le gouvernement.

Revoilà les gaz de schiste

Concrètement, cette transition écologique devrait passer par la nouvelle étape de la décentralisation promise par François Hollande pendant sa campagne, l’adoption d’une fiscalité environnementale « prévisible et stable », l’instauration d’une taxation sur les transactions financières, et, à court terme, la réintégration dans la délégation française du sommet de Rio “plus 20”, en juin, des élus locaux que le précédent gouvernement avait écartés. Si bien que Pascal Durand, porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts et prétendant à la succession de Cécile Duflot à la tête du parti, présent dans la salle, se réjouissait ouvertement : « C’est une très bonne nouvelle. »

Pour cette première intervention publique, Nicole Bricq avait choisi un séminaire sur le rôle des autorités locales et régionales au sommet Rio+20 qui doit se tenir en juin au Brésil, grande réunion onusienne, vingt ans après le sommet de la Terre. La nouvelle ministre de l’écologie a également abordé le problème de l'exploitation des gaz de schiste. Dans sa déclaration finale, le G8 du week-end dernier « s’engage à établir et partager les meilleures pratiques en matière de production énergétique », y compris « l’usage de technologies comme les forages en eau profonde et la fracturation hydraulique » au nom de la sécurité énergétique. En tant qu’élue de Seine-et-Marne, terre convoitée par les pétroliers qui veulent y exploiter de l’huile de schiste, elle fut l’une des têtes de file de l’opposition à la fracturation hydraulique. S'agit-il là d'un premier revers ? Mais « c’est faux ! Vous imaginez bien que j’ai vérifié », a contesté la ministre, se raccrochant à l’incise rajoutée à la demande de la France : le G8 encourage la fracturation hydraulique « là où elle est autorisée ».

Parmi ses premiers dossiers ministériels, Nicole Bricq devra lancer le débat national sur l’énergie préalable au vote d’une loi d’ici l’été 2013.