Histoire du quinquennat

Présidentielles 2012

Nicole Bricq, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, réunit, lundi 4 juin, les acteurs du Grenelle de l'environnement. Elle présente au Monde ses priorités, sa méthode et son agenda.

L'écologie est en perte de vitesse, reléguée derrière la crise économique. N'est-ce pas un handicap pour votre action ?

Après l'indéniable impulsion donnée aux questions écologiques par le Grenelle de l'environnement, la force propulsive s'est épuisée. Nicolas Sarkozy a eu un mot fâcheux quand il a dit que "l'environnement, ça commence à bien faire", comme pour siffler la fin de la récréation.

C'est précisément parce que le modèle de développement - celui du capitalisme - est en crise profonde qu'il faut passer à une nouvelle étape, celle de la transition écologique. C'est le mandat que j'ai reçu du président de la République. La crise peut être une occasion de changer et je crois la société plus avancée qu'on ne le pense sur ces questions. Je veux porter la "social-écologie".

Ce qui veut dire ?

Qu'il est hors de question que la transition écologique se fasse sur le dos des pauvres et des modestes. L'écologie n'est pas un luxe pour "bobos". Pour chaque mesure, il faut vérifier l'acceptabilité sociale. Et faire en sorte que tous en profitent. Sur la question de l'efficacité énergétique de l'habitat, par exemple, nous allons travailler avec Cécile Duflot pour imaginer des dispositifs nouveaux pour les copropriétés dégradées. Sinon, elles ne seront jamais mises aux normes.

Vous réunissez, lundi 4 juin, les acteurs du Grenelle de l'environnement. Quelles suites allez-vous lui donner ?

Je suis une sociale-démocrate tournée vers l'avenir : le social et l'écologie sont l'objectif, la démocratie la méthode. Ma première décision sera d'élargir aux parlementaires la concertation menée à cinq. Avec cette nouvelle configuration, je souhaite que la Conférence environnementale promise par le président de la République ait lieu dès le mois de juillet.

Elle sera placée à égalité d'importance avec la conférence sociale. Son rôle sera de définir la méthode et l'agenda des négociations à venir, pour franchir une étape vers un nouveau modèle de développement. Il s'agira d'identifier et de mettre en œuvre les leviers financiers, fiscaux, technologiques, démocratiques pour engager la transition écologique et développer l'économie verte, avec des points d'accroche irréversibles.

Quelles seront les priorités de la première conférence?

La question énergétique est majeure. Avec le rattachement de l'énergie au ministère de l'écologie, le message politique est clair. Le débat sur la transition énergétique doit être lancé dès l'automne, de manière à pouvoir le conclure au premier semestre 2013, puis, dans la foulée, voter une loi de programmation sur l'énergie.

François Hollande veut faire de la centrale nucléaire de Fessenheim un site pilote pour le démantèlement, en préservant ses emplois. Comment allez-vous faire ?

Ma feuille de route est de rééquilibrer le "mix énergétique" de la France. Le chef de l'Etat a pris des engagements - dont l'arrêt de Fessenheim en 2017 - qui ont été entendus par les salariés et les industriels, notamment sur la question des emplois. Je connais les difficultés et je ne m'en occuperai pas seule: la reconversion du site concernera plusieurs autres collègues du gouvernement.

La loi de programmation sur l'énergie devra intégrer l'ensemble de ces enjeux. Le choix qui sera fait pour la filière nucléaire ne concerne pas seulement Areva et EDF, mais aussi l'ensemble des sous-traitants.

Allez-vous soutenir la filière solaire photovoltaïque, aujourd'hui sinistrée ?

Le gouvernement précédent a fait une erreur, en encourageant le solaire grâce à des niches fiscales, sans se préoccuper de l'existence d'une filière industrielle en amont. Résultat, on s'est retrouvé avec des milliers de composants chinois financés avec l'argent des contribuables. Une activité émergente a besoin d'aide, mais il faut surtout la structurer en amont. Le grand emprunt et les investissements d'avenir peuvent y contribuer.

Sur le gaz de schiste, la France a interdit la fracturation hydraulique, mais la porte reste ouverte à des "forages scientifiques". Allez-vous interdire l'exploitation de ces hydrocarbures ?

Les populations et les élus n'acceptent plus que l'on prenne, en toute opacité, des décisions qui peuvent être nuisibles à l'environnement. Ma première action sera de rendre publique, sur le site du ministère, l'intégralité des permis octroyés, en cours d'instruction ou demandés. Le mot-clé, c'est la transparence. Cette décision, qui aurait dû être prise depuis longtemps, permettra enfin à chacun d'y voir clair.

Le problème est que le code minier est obsolète. Il doit être remis à plat en intégrant les questions environnementales. Faire une loi sur la seule fracturation hydraulique n'était pas la bonne méthode. Dans les arbitrages que je ferai avec mon collègue Arnaud Montebourg, je prendrai en compte les exigences environnementales mais aussi démocratiques et économiques.

Sur les OGM, la France est en conflit avec les instances européennes...

Le gouvernement français réaffirme son opposition aux OGM. J'ai obtenu il y a quelques jours la garantie que mon homologue britannique s'opposerait, tout comme l'Allemagne, à la proposition de directive du Danemark qui permettrait aux sociétés fabriquant des OGM de demander des autorisations de mise sur le marché pays par pays.

Les grandes réunions internationales, comme le sommet Rio+20 qui se tient au Brésil du 20 au 22 juin, sont-elles encore utiles ?

Oui. Il existe des tensions entre les questions environnementales et sociales, notamment dans les pays du Sud, mais les choses bougent du côté de l'Afrique, de la Chine, du Brésil... La France, porteuse d'un message social, rencontre un écho favorable, notamment de la part des pays africains. C'est l'occasion d'avancer vers la création d'une organisation mondiale de l'environnement, dont la planète manque cruellement.

N'est-il pas étonnant d'avoir nommé au ministère de l'écologie une socialiste, et non une personnalité issue des milieux écologistes ?

Les réactions de la mouvance écologiste ont été très favorables, pour une raison bien simple: je connais les dossiers, j'ai une vraie légitimité et une forte conviction. J'ai, par exemple, beaucoup contribué en 2008, alors que le premier secrétaire du PS était François Hollande, à intégrer l'écologie au sein de la déclaration de principe du Parti socialiste.

Iriez-vous jusqu'à dire que le PS s'est converti à l'écologie ?

N'en suis-je pas la preuve ? Il y a, j'en conviens, de petites différences culturelles entre certains de mes collègues et moi. Je ne nie jamais les obstacles, car il faut les connaître pour les surmonter, mais je pense avoir des appuis de poids au sein du gouvernement, parmi les associations et dans la société. Ce sera décisif.

Propos recueillis par Rémi Barroux, Pierre Le Hir et Anne-Sophie Mercier