Histoire du quinquennat

Hollande craint un «échec» du sommet de Rio

Libération

La métropole brésilienne accueille une conférence internationale sur le développement durable dès le 20 juin.

Le président François Hollande a pointé vendredi à Paris le «risque de l'échec» qui plane sur le prochain sommet de Rio sur le développement durable, prévu dans la grande métropole brésilienne du 20 au 22 juin et à laquelle il participera.

La conférence de «Rio va être difficile, nous savons qu’il y a des risques, des risques de paroles prononcées qui ne se retrouveront pas dans des actes, le risque de la division entre pays développés, pays émergents, pays pauvres, le risque de l'échec parce qu’il peut y avoir d’autres urgences», a souligné François Hollande.

Le chef de l’Etat s’exprimait en ouverture du forum du club France Rio+20, qui rassemble des élus territoriaux, responsables d’associations et d’entreprises, ONG, syndicats, en vue du prochain sommet de Rio.

«Le monde est aujourd’hui tourné vers la crise économique, la crise de la finance, est inquiet d’un certain nombre de conflits, celui de la Syrie» qui fait que l'«on se détournerait aisément de ce qui est pourtant l’urgence majeure, celle de l’environnement», a-t-il mis en garde.

Selon lui, «l'échec aussi peut être le produit d’une forme de désinvolture, d’indifférence, de légèreté, la tentation commode d’ignorer les périls, et pourtant ils sont là : il y a une crise de la biosphère», a-t-il insisté.

«Crash diplomatique» vs «engagements mous»

Nicolas Hulot a de son côté souligné vendredi préférer que le sommet sur le développement durable débouche sur «un crash diplomatique» plutôt que sur «des engagements mous», précisant qu’il ne s'y rendrait pas.

«Ca ne sert à rien d’aller à Rio pour constater l’incapacité de nos Etats à coordonner leurs volontés», a dit le président de la fondation qui porte son nom. «Je ne vois pas pourquoi il y aurait un miracle et que tout se règlerait d’un coup de baguette magique», a-t-il estimé.

Vingt ans après le sommet de la Terre, sommet environnemental fondateur organisé en 1992 à Rio, «la plupart des objectifs n’ont pas été réalisés, et la situation est beaucoup plus critique, la crise écologique se mêlant à la crise économique», a estimé l’ex-animateur de télévision.

Nicolas Hulot appelle à ne pas «aller dans la politique des petits pas, les amendements à la marge : on donne l’illusion qu’on peut continuer business as usual, que le statu quo est tenable.» «Il faut une révision complète de notre modèle économique et de notre modèle de gouvernance, parce que le pouvoir n’est pas là où on croit, et que ceux qui ont la main sur le sort de la planète, ce ne sont pas les responsables politiques, c’est le pouvoir économique», a-t-il conclu.

Il souhaiterait qu'«au moins» Rio mette en place des instruments de gouvernance «qui permettraient de prendre les problèmes en charge dans la durée».

 


Politis

Rio + 20 : Hollande craint l’échec et Nicolas Hulot se dit pessimiste

À une semaine du début des conférences sur l’environnement au Brésil, le Président de la République s’est invité vendredi matin au lancement du Forum France Rio + 20 mis sur pied il y a quelques mois par le Comité 21, des associations de protection et des industriels.

Pour lancer son débat sur les enjeux de la prochaine conférence sur l’environnent, le club Rio + 20, initié par le Comité 21, a reçu vendredi matin dans la grande Halle de La Villette un renfort de poids : François Hollande. Normal, il ne s’était pas encore vraiment exprimé sur l’écologie et sur les conférences qui se tiendront au Brésil à partir du 15 juin alors que la ministre de l’écologie reste étrangement muette. D’abord le sommet des peuples qui devrait réunir de nombreux acteurs de la société civile et ensuite du 20 au 23 la conférence des chefs d’Etat dont les « sherpas » peinent depuis des mois à établir un accord sur les décisions à prendre ; au point de désespérer Brice Lalonde, le directeur exécutif de l’ONU chargé de préparer la conférence.
Économie verte, sociale et solidaire

Ce qui n’a pas échappé au président de la République, qui a commencé par expliquer que « les conditions de la réussite ne sont pas encore réunies ». Puis il a ajouté que le « Développement durable ne doit pas être seulement une protection mais surtout une croissante différente ». Avant d’énumérer, « au delà des enjeux économiques » les priorités de la France « la nécessité de s’attacher à l’éradication de la précarité énergétique, la prise en compte du réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité ».

Après avoir expliqué qu’en France il fallait envisager « des tarifs progressifs de l’électricité lié à la consommation » et « une montée de puissance des énergies renouvelables qui devraient devenir un enjeu au niveau de l’Europe ». Pour François Hollande, dont le discours a été applaudi, les trois urgences environnementales seront appuyés par la France à Rio sont « l’accès de tous les pays aux énergies renouvelables, la sécurité alimentaire, un mécanisme freinant le rachat des terres dans les pays du Sud et un soutien marqué à l’économie verte et à une économie sociale et solidaire ». En rappelant que le PIB, indicateur aux variations de toute façon incertaines, ne devait pas rester le seul indicateur mais « qu’il faut prendre en compte le qualité de l’environnement et la diminution de inégalités ».
« Rio va être difficile »

Le président a également souhaité, en France, une évolution de l’épargne réglementée vers le développement durable. Dans sa conclusion, il a souhaité la création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement (OME), évoquée depuis 20 ans, qui serait basée à Nairobi, puis a prévenu : « Rio va être difficile, avec un risque de division et des paroles non suivies d’actes car la perspective de l’échec existe. D’autant plus que l’échec peut être aussi celui de la désinvolture, de l’ignorance et du refus de la réalité alors que tous les signaux d’alarme sont visibles ».

Une intervention qui contrastait avec les discours béats qui ont précédé ou suivi son allocution, discours présentant Rio comme un nouveau départ et la continuation de la conférence de Rio en 1992, oubliant au passage que la prise de conscience date de la conférence mondiale de Stockholm en 1972, conférence au cours de laquelle tous les avertissement planétaires avaient été énoncés. Un ronronnement d’autosatisfaction qui fut cassé par l’intervention de Nicolas Hulot expliquant qu’en 20 ans, depuis la première conférence de Rio, « on est passé de l’indifférence à l’impuissance. L’heure n’est plus aux constats mille fois faits, mais à l’action ». Selon lui, « la prochaine conjonction entre la crise économique et la crise écologique sera très grave pour la planète, et à Rio nous risquons de trahir nos enfants. Nous fonctionnons toujours à l’antique et nous risquons d’être prochainement, dans tous les domaines, contraints de gérer la pénurie. Il ne faut pas se contenter d’aménager à la marge et obtenir que l’OME souhaitée par certains ait la primauté sur les décisions du FMI et de l’OMC (...) Rio doit sonner le glas de la cupidité, la fin d’un monde qui spécule sur les ressources naturelles et sur la faillite des Etats ».

Nicolas Hulot a conclu qu’il était à la fois « lassé et sceptique ». Probablement parce que les discours d’autosatisfaction des acteurs du Club Rio + 20 annoncent le ton qui risque de dominer les débats officiels de la conférence brésilienne. Que ce club soit appuyé par Publicis Consultants est en soi une indication inquiétante. D’autant que cette agence de communication voisine avec de nombreux industriels prêts à faire fortune sur "la croissance verte".

À la société civile qui animera le Sommet des peuples de réussir à infléchir la tendance...