Histoire du quinquennat

Premier coup dur pour le pouvoir d’achat
F Fressoz Le Monde

Parmi les premières décisions fiscales du gouvernement Ayrault figure assez logiquement ce que n'avait pas voulu faire le précédent gouvernement : mettre à contribution les fortunes et les patrimoines élevés pour tenter de redresser les finances publiques .

Le problème est que cela ne suffit pas . Du coup, c'est un autre symbole du sarkozysme,  la défiscalisation des heures supplémentaires, le  « travailler plus pour gagner plus » qui fait les frais du collectif budgétaire présenté cette semaine en conseil des ministres . La mesure sera progressivement supprimée.

Interrogé sur TF1, Jean- Marc Ayrault a dit « assumer » cette suppression, au nom de la défense de l'emploi. Elle figurait d'ailleurs dans le projet présidentiel de François Hollande .

Le premier ministre a rappelé l'hostilité des syndicats et notamment de la CGT à cette défiscalisation considérée comme une vraie fabrique à chômeurs car  quel intérêt pour une entreprise d' embaucher alors qu'elle peut proposer à ses salariés des heures supplémentaires dont le surcoût est doublement pris en charge par l' Etat via des allègements de charges sociales et d'impôts ?

Tout cela est recevable. Jean -Marc Ayrault aurait pu aussi insister sur le coût exorbitant du dispositif pour les finances publiques ; 2,8 milliards d'euros par an au titre de l'exonération de cotisations sociales  et 1,4 milliards d'euros au titre des allègements d'impôts.

Il aurait encore pu mettre en évidence les incohérences du précédent gouvernement qui subventionnait  avec le même allant la réduction du temps de travail et les heures supplémentaires au nom d'une logique qui échappait  à tout le monde !

Il n'empêche. Les heures supplémentaires bénéficiaient à 9 millions de salariés. Sur dix salariés qui en effectuent régulièrement, quatre sont des ouvriers  ; les heures supplémentaires sont surtout utilisées dans la construction, l'hôtellerie, la restauration et la métallurgie ainsi que dans les entreprises de moins de 20 salariés.

Celles ci continueront de bénéficier des allègements de cotisations patronales mais les cotisations salariales seront rétablies et dans le prochain budget les exonérations d'impôt sur le revenus seront supprimées.

C'est donc un coup dur pour le pouvoir d'achat des ouvriers. Un coup dur aussi pour les enseignants qui avaient réussi à arrondir leurs fins de mois à coup d'heures supplémentaires fortement encouragées par le précédent gouvernement : dans le secondaire, plus d'un enseignant sur deux en effectuent.

Sous ses dehors techniques, la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires pourrait bien être le premier faux pas politique du quinquennat. Celui qui coupe le gouvernement de l'électorat populaire et des gros bataillons de fonctionnaires

Celui qui accentue les craintes sur le pouvoir d'achat :  les heures supplémentaires représentaient en moyenne un bonus de 300 à 500 euros par an pour les bénéficiaires, selon les calculs respectifs du gouvernement et de la commission des finances de l'Assemblée nationale .

Une façon de rattraper le coup serait de mettre le sujet à l'ordre du jour de la conférence sociale prévue la semaine prochaine. Mais on peut déjà parier que le patronat ne se battra pas pour proposer une majoration des heures supplémentaires susceptible de combler le manque à gagner.