Morale de l'action 1

Discours étrange au terme d'une semaine que les médias ont qualifiée de difficile pour la gauche: offensive sur l'ISF; rapports compliqués entre Royal et Hollande; difficulté à discerner si ses propositions sur la fiscalité révèlent un hiatus entre le parti et sa candidate ou non etc....

Discours étrange parce qu'il révèle le gué improbable d'une candidate qui ne veut rien dévoiler de son programme au nom du débat participatif mais se doit de parler nonobstant.

Discours étrange pour ses références à l'histoire, comme s'il fallait répondre à celles de Sarkozy à Zola, Clemenceau, Jaurès 2 

Discours pas très long, moins d'une demi-heure, d'où surnagèrent sur le moment deux saillies:

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l'itératif en vérité je vous le dis

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la morale de l'action

Il n'y a déjà plus grand chose à dire du premier, d'autant qu'il rejoint le second. Quelque chose de l'ordre de la grand messe dont Ségolène est la grande prêtresse. En tout cas!

Elle n'est pas parjure, ne se prend pas pour Dieu, juste pour son messager. Déjà pas mal, non?  Elle parle de vérité et de valeur, elle parle au nom de, et célèbre. Toujours le prêtre se place devant et à la place de Dieu! Le peuple au nom de quoi parle Ségolène a sans doute déjà disparu sous le velouté de ses litanies. Le participatif, on l'a suggéré déjà, camoufle trop souvent un escamotage à venir.

Mais qu'entendre par morale de l'action ?

Certes, il n'est ici que discours de campagne et non essai théorique, néanmoins il n'a pas pu ne pas être pensé.

On n'écrit pas morale dans l'action, mais morale de l'action.

Ceci peut vouloir dire

Pour autant que les mots aient un sens, l'action c'est le contraire de la passion, le contraire de ce que l'on subit, ce qui, précisément est en notre pouvoir. L'action, c'est, ajusté sur une volonté et une réflexion préalable, ce qui poursuit un objectif mûrement réfléchi, ce qui en tout cas a d'autant plus de chance de l'atteindre qu'il aura été préalablement pesé, médité et préparé. L'action, c'est ce qui vise l'efficacité!

C'est ici que les mots s'entrecroisent et choquent: veut-elle dire qu'elle a pour seule religion l'efficacité mais alors pourquoi écrire morale et non pas exigence ou règle? veut-elle dire au contraire qu'à l'opposé de toute realpolitik  elle s'attacherait à réconcilier morale et politique et tâcher ainsi de mettre l'action au service et en conformité avec des valeurs morales? mais alors pourquoi ne pas écrire morale dans l'action?

Pour autant que la liberté ait un sens, et la responsabilité avec elle, elle ne porte que sur ce qui est en notre pouvoir; or, l'action, comme la volonté qui la sous-tend, vise nécessairement le mieux. Il n'est donc que sur les moyens que porte notre liberté, et si morale il peut y avoir dans l'action, c'est bien sur le choix des moyens, non des fins. C'est bien pour cela, et nous le sentons tous confusément, que tout discours portant uniquement sur les finalités, est un discours politiquement vide, parce qu'il ne dit rien qui ne soit convenu, qu'il escamote ce qui seul fait débat: le choix des moyens!

C'est bien en ceci d'ailleurs que si souvent les discours de Royal et Sarkozy se ressemblent!

Non! en réalité, l'expression signifie simplement l'ardente obligation d'agir, avec explicitement le reproche fait au camp adverse de n'avoir rien fait dans la période précédente! l'exigence de ne promettre que ce que l'on est capable de tenir, allusion évidente à la fracture sociale d'un Chirac, qui ne s'est traduit par rien dans les cinq années qui suivirent!

Tant de mots pour si peu! Et si néanmoins ceci avait un sens!

On n'écrit pas morale impunément et pour reprendre Royal au mot

"Et puis il y a aussi la vérité des mots et des concepts. Et lorsqu'ils ne correspondent à rien, ou lorsqu'ils ne recouvrent pas la vérité, alors ils ne tiennent pas la distance. Et c'est pourquoi la droite ne parle plus de rupture, forcément, par définition, le candidat de droite est le candidat sortant, il est celui de la continuité, et dès lors les masques sont tombés. Non, la droite ne peut pas accomplir la rupture puisqu'elle s'inscrit dans ce qu'elle a défait depuis maintenant cinq ans."

La vérité des concepts!

Elle ne parle pas de réalité mais de vérité.

Ce que nous redoutions depuis quelque temps se concrétise pesamment dans les discours de S Royal: quelque chose comme un puritanisme politique. Madone des meetings, elle va progressivement revêtir les doubles oripeaux de Marie et de Jeanne! Mère originaire, grande protectrice et gardienne des valeurs en même temps que grande combattante face à l'impéritie ou à la lâcheté des hommes. Il est encore trop tôt pour Jeanne, attendons la mi-février que le grand barnum participatif soit achevé, mais il est assez tôt pour que s'élève la figure de la mère. 

Elle est la source, mais encore le chemin: elle est la mère qui rappelle les origines: d'où la référence dans ce discours aux soldats de l'an II, à Mitterrand et, pour finir, à Gambetta!  4

Pas pour rien non plus que son discours s'organise alors autour des trois valeurs fondatrices de la république (liberté, égalité, fraternité) pour dire qu'elles furent bafouées, qu'elles seront restaurées.

Non décidément, on ne parle pas impunément de morale et de vérité!

Et je crains bien que pour prix de la morale de l'action nous n'ayons en retour que l'action de la morale!

Effet de campagne?

Comme toujours on peut hésiter: discours de meeting, simplement, qui prend sa place dans un itinéraire stratégique, à prendre pour tel! ou au contraire discours révélateur, à prendre au pied de la lettre!

L'hésitation en elle-même est révélatrice car ce discours déroge par deux fois à sa propre règle: d'une part il procède exactement au contraire de ce qu'il promet puisque dans l'attente présumée de la fin du processus participatif il ne dit rien et ne peut rien dire. Il est donc à l'antipode de la morale de l'action pour ne nous offrir que la morale de l'incantation. D'autre part, il ne parle pas d'action mais de valeur  et de vérité, et va donc chercher a parte ante ce que nous l'attendions devoir dessiner a parte post!

Dans tout ceci je vois moins le désir d'avenir, que la passion du passé!

1) Discours de Toulon, 17 janvier 07

2 discours d'investiture 14 janvier

3 Quand on a la chance d'être dépositaire du pouvoir du peuple français, alors on passe à l'action et l'on ne promet pas pour des lendemains des choses que l'on n'est pas capable d'accomplir aujourd'hui.

C'est ce que j'appelle la morale de l'action, je suis la candidate de la morale de l'action. S R

4 Mais lequel? l'enragé qui refuse la défaite en 70, ou le politicien madré, opportuniste des années 79?